Depuis son accession dans l'élite du volley-ball français en 2012, le Chaumont Volley-Ball 52 Haute-Marne (CVB 52) n'en finit plus de multiplier les miracles. Après son titre national de 2017, 8 joueurs de l'effectif avaient quitté la préfecture de la Haute-Marne pour aller chercher fortune ailleurs. L'été dernier, après une défaite en finale du championnat de France contre Tours et un parcours honorable en Ligue des champions (éliminé en huitième de finale par Trentino), le club a perdu 10 de ses volleyeurs, partis vers des cieux plus huppés. «On ne peut pas capitaliser sur l'expérience des années précédentes. Les clubs étrangers savent qu'ils peuvent recruter ici d'excellents joueurs à moindre coût», avance Silvano Prandi, l'entraîneur italien des Chaumontais. Comme Chalon-sur-Saône ou Roanne au basket, voire Auxerre ou Guingamp au football, le CVB 52 revisite le mythe bien français du petit village gaulois (22 000 habitants) qui fait la nique aux armadas des grandes métropoles.
Alors que s'annonce ce jeudi, le Pérouse du Cubain Wilfredo León, le meilleur volleyeur du monde, en quart de finale aller de Ligue des champions, Chaumont devra s'exiler à Reims, à 200 kilomètres de ses pénates. Sa salle habituelle (841 places) étant trop exiguë pour abriter les joutes continentales. «En plus d'affronter la meilleure équipe d'Europe, jouer là-bas ne présente que des inconvénients, confie Jiri Cerha, le manager général tchèque des Haut-Marnais. Les joueurs doivent s'adapter à un nouvel endroit, ce n'est que notre septième match à Reims, ils n'ont pas de repères visuels. Ensuite, notre public est obligé de se déplacer en semaine et tous ne le peuvent pas. Enfin, cela nous coûte financièrement. Reims n'est pas une ville de volley, on préfère mille fois jouer à Chaumont.»
«Pas très raisonnable»
D'ici un an et demi, le CVB 52 pourra compter sur une nouvelle salle dans sa ville (2 500 places) et son budget (1,6 million d'euros aujourd'hui) devrait augmenter en conséquence. Histoire de reproduire les miracles sur la durée. «Gagner la Ligue des champions dès cette année ? Oui, si demain la pluie qui tombe est bleue ou rouge», persifle Silvano Prandi (71 ans), sorte de commandant Drogo du Désert des Tartares, roué et pince-sans-rire, au palmarès colossal, acquis de l'autre côté des Alpes. De son côté, Taylor Averill, le volleyeur américain par excellence, arrivé l'été dernier, meilleur contreur de la compétition, ne s'en fait pas une montagne : «C'est pour affronter les meilleurs qu'on pratique un sport de haut niveau. On ne doit pas se monter la tête ni changer nos habitudes. Croire en soi-même permet de renverser des montagnes.»
Le week-end dernier, Chaumont a perdu la finale de la Coupe de France contre Tours, son grand rival dans l'Hexagone mais ça ne devrait guère l'affecter. «La Ligue des champions passe les talents au révélateur. Après l'avoir jouée, on sait vraiment ce qu'on vaut», pense savoir Averill. Outre Chaumont, on retrouve trois clubs russes, deux polonais et deux italiens parmi les huit derniers qualifiés, soit les trois pays qui dominent le continent. «Dans les sports collectifs, c'est bien souvent l'argent qui décide des résultats, mais pas toujours, note Jiri Cerha. On s'est bâtis en passant les tours, en croyant de plus en plus à notre chance. On a été surpris [d'aller aussi loin] parce qu'on était en reconstruction. Réflexion faite, on est plus fiers que surpris… Gagner la Ligue des champions n'est pas un objectif très raisonnable mais jouer avec la simple idée de participer, ce n'est pas très bon. On veut y croire, voir ce qu'on peut y faire, toucher nos limites…»
No limits
En championnat, le CVB 52 a laissé traîner des points en route, la faute aux éreintantes rencontres européennes du milieu de semaine. Il occupe aujourd'hui la cinquième place d'une compétition domestique qu'aucune chaîne nationale ne retransmet plus depuis la rentrée de septembre. «Tout est encore entre nos mains», promet Cerha. Dans un peu plus d'un mois, Chaumont songera aux play-offs et à décrocher un deuxième titre de champion de France mais, en attendant, ce jeudi soir, il disputera le match le plus important de son histoire. Le genre de considération qui n'effraie pas Silvano Prandi, vainqueur de cinq Coupes d'Europe avec des clubs italiens. «On ne doit pas se donner de limites. Quand on les touche, il est temps de corriger le tir ou de passer à autre chose. Après, pour faire une bonne équipe, pas besoin de vivre dans une ville d'un million d'habitants, il suffit de douze joueurs, une salle, des ballons et un staff.» Des conditions réunies, a priori, ce jeudi soir (20 h 30), au Complexe René-Tys, à Reims…