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Renaissance

Foot : Strasbourg retrouve son Racing

Huit ans après avoir déposé le bilan et être retombé dans les bas-fonds du foot amateur, le RC Strasbourg a retrouvé la lumière et disputera, samedi soir face à Guingamp, la finale de la Coupe de la Ligue.
Thierry Laurey, entraîneur du RC Strasbourg, lors d'un match contre Caen, le 17 février 2019 (CHARLY TRIBALLEAU/Photo Charly Triballeau. AFP)
publié le 30 mars 2019 à 10h37

L'entraînement du Racing Club de Strasbourg Alsace (RCSA) a bien commencé depuis trois quarts d'heure mais, debout au bord du terrain, Thierry Laurey tourne le dos à ses joueurs. Casquette du club vissée sur la tête, le coach alsacien bavarde avec une dizaine de supporters. «Des fois, je passe un entraînement à discuter avec eux, explique-t-il. On parle de tout, mais plus particulièrement de football.» Dans un sport professionnel de plus en plus cloisonné, la scène détonne. A Strasbourg, elle rappelle que le club phare du football alsacien revient de très loin. Ce samedi soir, lorsque les supporters des Bleu et Blanc verront leur équipe pénétrer sur la pelouse du Stade Pierre-Mauroy de Lille, pour y disputer la finale de la Coupe de la Ligue, ils ne manqueront pas de se souvenir de leur voyage en enfer.

À l'été 2011, après une gestion catastrophique et deux descentes en trois ans, le Racing accuse un déficit de 4,5 millions d'euros. Le club doit déposer le bilan et redémarre dans le monde amateur, en cinquième division. Habitué à la Ligue 1, Strasbourg évolue alors dans la même division que Forbach, Vesoul ou Pontarlier. L'année suivante, Marc Keller prend la présidence avec l'appui d'un groupe d'investisseurs de la région. L'ancien milieu du Racing table sur un ancrage territorial fort. Mais surtout sur une gouvernance apaisée, dans un club parfois surnommé «le Marseille de l'Est» pour son instabilité et la passion qui l'entoure. Pari gagnant. Strasbourg monte en National (troisième division) en 2013, puis retrouve le monde professionnel en 2016. «On a l'ambition d'emmener le club encore un peu plus haut», s'aventure même aujourd'hui Thierry Laurey. L'appétit vient en mangeant et le RC Strasbourg dévore sa deuxième saison consécutive dans l'élite.

Résurrection

Actuellement dixième du championnat, la maison bleue tire, en premier lieu, les fruits d'un recrutement bien négocié. «L'idée était de solidifier l'équipe. On avait pris beaucoup de buts la saison passée», analyse l'entraîneur. Après avoir cédé Jean-Eudes Aholou à Monaco, les dirigeants décident de réinvestir les 14 millions d'euros récupérés. Une dizaine de joueurs débarquent en Alsace et se greffent rapidement au groupe, à l'image du défenseur Stefan Mitrovic, nommé capitaine quelques mois après son arrivée. «Je ne pense pas que tout le monde puisse venir jouer à Strasbourg. Il y a des règles à respecter et les joueurs qui sont venus sont bien entrés dans notre état d'esprit», analyse Dimitri Liénard, un des trois rescapés des années en National. Troisième meilleure attaque de Ligue 1, le Racing se distingue par son style de jeu offensif. «Aujourd'hui, notre volonté c'est de marquer un but de plus que l'adversaire, explique Thierry Laurey. On souhaite offrir du spectacle à nos supporters. Les gens s'en rendent compte, nous suivent, nous poussent et c'est pour ça que le stade est comble à chaque fois !»

Cette année, à l'exception d'une rencontre face à Amiens en début de saison, le Stade de la Meinau a toujours fait le plein. Avec une moyenne de 25 181 spectateurs par match et une atmosphère brûlante, l'antre alsacien est redevenu une place forte du football hexagonal. «On sentait qu'il y avait une flamme qu'il fallait ranimer, note l'entraîneur. C'est assez pur comme truc. Il a fallu que le club tombe bas pour que les gens reprennent confiance. Les supporters ont compris que ce qu'ils n'avaient pas su apprécier en Ligue 1 ou en Ligue 2 les années précédentes, là, ils allaient de nouveau l'apprécier après avoir connu le monde amateur.» Samedi soir, face à Guingamp, les amoureux du Racing seront 20 000 à s'époumoner pour que leur club décroche la troisième Coupe de la Ligue de son histoire. La soirée marquera le retour des Alsaciens en haut de l'affiche, mais pas la fin des ambitions de ce nouveau Racing.

Pérennisation

«Le club est en train de se doter de fondations solides pour être suffisamment costaud lorsque les périodes de turbulences arriveront», argumente François Keller, le directeur de la Racing Mutest Académie. Le centre de formation bas-rhinois est amené à jouer un rôle central dans le développement du club. En 2011, après le dépôt de bilan, l'Académie perd son statut de centre de formation agréé par la Fédération, mais les nouveaux actionnaires prennent la décision forte de ne pas couper les vivres de la structure. «L'idée c'était de ne pas repartir de zéro le jour où on retrouverait le monde professionnel», justifie le frère du président. En 2016, dès la montée en Ligue 2, la structure demande à nouveau l'agrément, puis le récupère l'année suivante. Le RCSA s'emploie alors à repousser les clubs ayant pris racine dans l'Est pendant son absence, comme Metz, Sochaux ou Nancy. Un processus que François Keller juge aujourd'hui «suffisamment avancé pour aller embêter nos concurrents sur leurs terres».

Pour faire son trou, l'Académie met l'analyse vidéo au cœur de son programme. «On avait du retard dans pratiquement tous les domaines, il fallait explorer cette voie avant les autres. Aujourd'hui, même à l'extérieur, on filme tous les matchs de nos équipes à partir des 16 ans. Ensuite, chaque semaine, on organise des retours collectifs et individuels», détaille le directeur du centre qui se réjouit, cette saison, de l'éclosion d'Anthony Caci. Arrivé au club en 2011, le gamin de Forbach est resté fidèle au Racing et annonce les succès à venir de la formation strasbourgeoise.

Les prochains diamants qui sortiront de l'Académie pourront bientôt bénéficier de nouvelles infrastructures, plus adaptées aux exigences de la Ligue 1. Le stade est au cœur d'un projet de rénovation qui englobe aussi le centre d'entraînement et l'Académie. Le lifting de la Meinau débutera en 2020 et permettra à l'écrin d'accueillir quelque 33 000 spectateurs dès 2023. «Parfois je me demande ce qu'on aurait été sans le dépôt de bilan, mais je suis persuadé que ça nous a été bénéfique, philosophe François Keller. Nos fondations sont plus solides aujourd'hui. Nos joueurs doivent se souvenir de ce qu'est le club et ça doit les rendre plus forts sur le terrain.» Samedi, le devoir de mémoire sera donc de mise pour terrasser Guingamp et succéder au PSG quintuple tenant du titre.