Il aura accumulé 10 teraoctets de données informatiques (soit 10 000 milliards d'octets, 10 puissance 13, excusez du peu). Qu'il en soit le principal hackeur ou seulement l'agglomérant, peu importe, Rui Pinto est à l'initiative de la plus grande banque de données de l'histoire, volées ou pas. Sur ces 10 teraoctocets, le jeune homme portugais en aura refilé quatre au journal allemand Der Spiegel, lequel les partagera ensuite à un consortium de médias européens, l'European Investigative Collaborations (EIC), qui en fera son miel journalistique et les révélera au public à partir de décembre 2016. Ces quatre-là ne concernaient que le foot business. Restent les six autres, qui concernent manifestement, du moins à l'entendre, l'industrie financière aux îles Caïmans.
Il y avait déjà eu les Panamá Papers, en avril 2016, eux-mêmes précédés d’un gigantesque hacking ensuite partagé au Consortium international des journalistes d’investigation. Avec pour premiers résultats une série de redressements fiscaux permettant à 22 pays de récupérer 1,2 milliard de dollars. C’est toujours mieux que rien, quoique l’agence Interpol estime que les Panamá Papers ne concerneraient que 0,6 % du total des sommes blanchies à travers la planète sous des prétextes divers et variés (évasion fiscale, corruption et autres délits financiers).
Mais avec ses six autres teraoctets, c'est comme si Rui Pinto menaçait de faire usage de l'arme nucléaire. Dans un entretien en février à l'EIC, avant son arrestation, le trentenaire amateur de foot bémolisait : «[Mes] données ont un potentiel similaire à celui des Panamá Papers.» Avant de sonner le tocsin : «Les îles Caïmans ont été utilisées pour pratiquer le blanchiment à grande échelle.» Son avocat, William Bourdon, comme en écho : «C'est une nouvelle boîte de Pandore, une bombe à retardement qui fait trembler tous les ingénieurs du chiffre et du droit.» Ne reste plus qu'aux différentes juridictions occidentales à s'en saisir. Il suffirait de se baisser, du moins si la justice portugaise les autorise à ramasser.
Pour mémoire, l’évasion fiscale représenterait quelque 1 000 milliards d’euros pour les pays de l’UE, selon une estimation de la Commission européenne. Dont plus de 70 milliards pour la France, soit son déficit budgétaire de 2018.