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Paris-Saint-Germain : Mbappé et Tuchel se cherchent mais ne se trouvent pas

Absent mercredi soir à Nantes, l’attaquant a jugé que les membres de son équipe avaient joué «comme des enfants». De quoi agacer l’entraîneur allemand, pourtant contraint de ménager son joueur-star.
L’entraîneur Thomas Tuchel et l’attaquant Kylian Mbappé, contre Lille. (Photo Federico Pestellini. Panoramic)
publié le 18 avril 2019 à 20h36

Mercredi, quelques minutes après la deuxième défaite du Paris-SG en quatre jours (celle-là à Nantes, 2-3), l'entraîneur du mastodonte hexagonal, Thomas Tuchel, a ouvert un nouveau chapitre du livre sur la communication de crise que tous les coachs de ce niveau connaissent par cœur : «Je constate, j'analyse, mais je ne peux pas expliquer ce qui s'est passé. Pour la première fois, c'est une grande surprise.»

Vous voyez comme moi, j’en sais autant que vous… Le Paris-SG devait remporter le titre de champion de France 2018-2019 le 7 avril contre le RC Strasbourg : au lieu de la victoire espérée, un nul (2-2) remettait la fiesta au dimanche 14 avril, à Lille. Puis, le crash (1-5) nordiste aidant ou plutôt n’aidant pas, ça devait se passer à Nantes mercredi.

Là, du coup, on est sur dimanche, au Parc des princes contre Monaco. A moins que Lille ne s’impose pas à Toulouse en fin d’après-midi : les joueurs parisiens apprendront la bonne nouvelle à la radio ou en rafraîchissant une page internet, comme vous et moi. Et les communicants du club sortiront des avirons de la taille de ceux des galères romaines pour faire passer l’idée que si, il s’est passé quelque chose.

Il faut croire : Tuchel change d'explication à chaque match, un coup l'«accident» (après l'élimination devant Manchester United en 8e de finale de Ligue des champions, 2-0 puis 1-3 le 6 mars), un coup les blessés (après Lille, où les Parisiens disposaient pourtant de dix internationaux au coup d'envoi), un coup l'arbitre (élimination 1-2 en Coupe de la Ligue devant Guingamp le 9 janvier), et là, eh bien il dit qu'il ne sait pas. Manière de pointer les insuffisances des joueurs : «Ce n'est pas possible, je ne peux pas les défendre.» Ces changements de pied sont loin d'être des détails : dans un club dont l'image est associée à un Etat et où Laurent Blanc s'est fait virer en juin 2016 «parce qu'il ne ressemblait pas à grand-chose, avec son pull sous la veste et son bouc» (un proche de la direction parisienne), la communication est fondamentale, étant entendu que les résultats font partie de cette communication. Malgré un palmarès plutôt mince (une Coupe d'Allemagne avec le Borussia Dortmund en 2017), Tuchel a été choisi là-dessus : smart, proactif, souriant, avançant ; le genre de mec jamais à cours de ressources jugé capable par Doha - qui l'a embauché directement, sur les conseils de l'ambassadeur du Qatar en Allemagne - d'éloigner les fantômes de la remontada catalane (4-0 puis 1-6, en février 2017).

Grêle. Dimanche, à la mi-temps du match de Lille alors que le score était encore de 1-1 et que son équipe était réduite à 10, il a expliqué aux joueurs qu'il fallait avancer, sur le mode «on est le Paris-SG». Il est là pour ça, c'est son personnage, son management.

Mais le Paris-SG en a pris cinq. Et son attaquant vedette Kylian Mbappé a fait tomber la grêle : «On a joué comme des enfants.» Tuchel s'est agacé : «Je ne suis pas d'accord du tout avec cette analyse.» Jugé surmené par son coach quelques jours plus tôt, Mbappé n'a pas fait le déplacement à Nantes et le coach allemand a été mis au pied du mur par les reporters: «C'est ma décision. Je l'ai prise après discussion avec le joueur. Je n'ai pas d'explication à donner. Arrêtez de faire de la science-fiction. Ce n'est pas une sanction.»

Très actif sur Twitter, Mbappé est resté coi sur le sujet, manière aussi de laisser l'affaire en suspens. Depuis le crash de Manchester, le club a une obsession et une seule : convaincre le champion du monde tricolore et Neymar de poursuivre l'aventure sous le maillot parisien, malgré trois éliminations de rang en 8e de finale de Ligue des champions qui laissent les deux stars à des années-lumière de leurs ambitions collectives et personnelles.

Négociation. Pour Neymar, le remède est connu : il faudra passer à la caisse, d'une manière ou d'une autre. Mais c'est compliqué pour Mbappé : il paramètre beaucoup de choses différentes (identification à un maillot, progression, ressenti…), ce qui complique la donne. Deux jours après Manchester, le joueur, sous contrat jusqu'en 2022, a dit qu'il resterait la saison prochaine dans la capitale, plaidant l'intérêt général : «Avec tous les problèmes que va engendrer l'élimination, ça ne sert à rien que ma situation personnelle vienne en rajouter.» On sait qu'il déteste mentir.

Après, c’est du foot. Et l’attitude de Tuchel interpelle : si son assurance, au-delà d’un trait de caractère, dit sa certitude d’être soutenu par Doha, on se demande quand même jusqu’où. Et Mbappé a parfois tordu ses coachs : l’un d’eux a été écarté (Bruno Irles), un autre sommé de le faire jouer (Leonardo Jardim) et même le sélectionneur des Bleus, Didier Deschamps, a été contraint d’ouvrir avec lui une sorte de régime de négociation permanente. On confesse être moins curieux de la date du sacre parisien que des gigantesques mouvements qui se trament en coulisse.