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Exploit

Nadal écrase Thiem lors d'une finale multidimensionnelle

A l'issue d'un match d’une intensité à couper le souffle, sans doute la plus belle finale depuis une bonne demi-douzaine d’année, le Majorcain a remporté son douzième Roland-Garros en quinze participations. Face à l'autrichien Dominic Thiem qui a pourtant multiplié des coups surpuissants.
Rafael Nadal s'effondre de joie sur la terre battue de Roland-Garros, après sa victoire contre Dominic Thierm, le 9 juin 2019 (Photo CHRISTOPHE ARCHAMBAULT . AFP)
publié le 9 juin 2019 à 19h04

Entre la qualification samedi de Dominic Thiem pour la finale au détriment du n°1 mondial Novak Djokovic et la finale de dimanche contre Rafael Nadal, l'ancien joueur John McEnroe, commentateur pour la télé américaine, s'était fait le héraut de la cause de l'Autrichien: «Ce titre, il le mérite.» Le choix non pas du cœur, même pas du tennis mais la reconnaissance d'un parcours méticuleusement balisé, un joueur qui monte année après année, marche après marche, son niveau vers un sacre qui, dans n'importe quelles autres circonstances, serait inéluctable.

Thiem avait également joué tous les jours depuis jeudi; la faute à la pluie et au saucissonnage – vendredi et samedi – de son match contre Djokovic. L'Autrichien y avait certainement vu un augure funeste: en début de tournoi, il expliquait avoir sèchement perdu la finale de l'an dernier face au Majorquin par manque de fraîcheur, «et on sait tous combien celle-ci est importante en fin de tournoi ici, à Paris». Ça a peut-être joué: Thiem a estimé ensuite ne pas avoir été «à armes égales» avec l'Espagnol. Mais peut-être pas. Thiem s'est effectivement présenté en bon ordre devant la porte qui sépare un finaliste d'un vainqueur. Il a disputé dimanche un match d'une intensité à couper le souffle, sans doute la plus belle finale depuis une bonne demi-douzaine d'année.

Mais cette porte, Nadal la lui a claquée dans la gueule: 6-3, 5-7, 6-1, 6-1. Comme l’an passé, Thiem a commencé sa finale en acceptant le bras de fer derrière la ligne de fond de court avec son adversaire du jour. Bravement, il a échangé des coups surpuissants dans la diagonale coup droit de Nadal (qui est gaucher) – revers de l’Autrichien, donnant l’impression de souvent diriger l’échange et obligeant Nadal à forcer quelques coups, avec autant de fautes directes à la clef. Seul problème: le score, 6-3 pour Nadal dans la manche initiale en 56 minutes quand même, ce qui dit l’acharnement du combat. Thiem va alors s’accrocher, comme on s’arrime à une planche après un naufrage en espérant l’arrivée des secours. Ils arriveront: inexistant sur le service de l’Espagnol durant ce deuxième set, Thiem bénéficie brusquement de quelques fautes directes d’un Nadal soudain nerveux à l’approche de la fin du set. L’Autrichien a aussi essayé d’avancer dans le court, tenant sa ligne de fond plutôt que de se positionner plus loin derrière: il y a perdu en sécurité ce qu’il a gagné en direction dans l’échange. 7-5 pour Thiem en 51 minutes.

La suite sera terrible. Nadal ne va plus lâcher le moindre point, pas une faute directe, des services en plomb, une variété d’approches aveuglante – il est quand même temps d’arrêter de le prendre pour un joueur unidimensionnel – et quelques services suivis au filet pour achever de désorienter son adversaire. La cerise sur le gâteau: une stop-volée au milieu du 3e set alors que son adversaire avait tiré un passing-shot de coup droit parfait, Thiem levant même le pouce à l’intention de Nadal pour marquer son respect. Deux fois 6-1, un douzième titre Porte d’Auteuil et rideau. Accablé cet hiver par les blessures physiques et psychologiques, ce qui avait semé le doute jusque chez son entraîneur Carlos Moya, Nadal est arrivé à l’heure et si, au fil des saisons, le monde extérieur y voit une routine, lui-même ne cesse de renvoyer à ses doutes et à sa souffrance dans l’approche du tournoi ces dernières années. Personne d’autre que lui et ses proches ne peut mesurer ce que tout ça lui coûte. En revanche, on appréhende sans peine ce que son règne Porte d’Auteuil coûte aux Thiem, Federer, Djokovic et consorts: 12 Roland-Garros en 15 éditions.