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Football

Les Reggae Girlz reboostées par Cedella Marley

Abandonnées par leur fédération puis sauvées grâce à la fille de Bob, les Jamaïcaines disputent leur premier Mondial.
publié le 13 juin 2019 à 19h56

Et si la Jamaïque n'était plus seulement le pays du sprint ? «Avant qu'on se qualifie pour la Coupe du monde, les Jamaïcains n'avaient pas d'espoir dans le football féminin, raconte Marlo Sweatman, milieu défensive des "Reggae Girlz". Notre parcours va permettre aux jeunes filles de pratiquer plus facilement ce sport.» Cette année, les insulaires sont devenues les premières Caribéennes à disputer une Coupe du monde - et la seule équipe de la compétition à ne pas figurer parmi les 50 meilleures nations du classement Fifa (53e).

«Effervescence». Avec un premier match perdu (3-0) contre le Brésil, une défaite ce vendredi face à l'Italie scellerait probablement l'élimination des Jamaïcaines. Peu importe : le Mondial provoque un engouement réel dans la petite monarchie constitutionnelle où un média local a récupéré les droits de la compétition et retransmet les matchs à la radio et à la télévision. «Les Reggae Girlz ont attiré beaucoup d'attention sur le football féminin en Jamaïque», observe la journaliste Karen Madden, qui suit leur parcours pour le groupe RJR Gleaner. De l'intérieur, Marlo Sweatman trouve que «l'effervescence est montée d'un cran depuis la qualification. On a l'impression d'être l'équipe de bobsleigh de Rasta Rockett.»

Comme dans le film de Walt Disney, rien ne prédestinait l'équipe jamaïcaine à disputer un jour la compétition la plus prestigieuse de sa discipline. En 2008, l'équipe manque cruellement de soutien financier et doit cesser son activité. Les choses ne s'arrangent pas quand, deux ans plus tard, la Fédération jamaïcaine prend la décision de couper les vivres des joueuses afin de privilégier la section masculine. Touchée par les difficultés des Reggae Girlz, Cedella Marley, fille de Bob (lui-même amateur de foot), artiste et femme d'affaires, décide de prendre l'équipe sous son aile. «Elle est très connue en Jamaïque, son soutien a été bénéfique pour l'image de la sélection», se souvient Marlo Sweatman. A partir de 2014, la fille de l'icône reggae se met en quatre pour récolter des fonds et attirer des sponsors. Elle enregistre même avec ses frères Strike Hard, chanson à la gloire des footballeuses de l'île.

En dépit de ce soutien de taille, les moyens accordés aux Reggae Girlz restent limités. Après avoir manqué la qualification pour le Mondial 2015, l’équipe s’attache les services du sélectionneur Hue Menzies. En plus de faire gagner ses joueuses, on lui demande de les aider dans leur vie extra-sportive. Une mission qui prend tout son sens avec Khadija Shaw : après avoir perdu quatre de ses frères, dont trois dans les guerres de gangs de Spanish Town, l’attaquante des Tennessee Volunteers se réfugie dans le football et devient, au fil des saisons, la perle du onze insulaire.

Une belle réussite pour Hue Menzies qui, malgré son poste de sélectionneur, continue de donner des entraînements à l'académie Kraze Krush, en Floride. Ses relations aux Etats-Unis lui permettent de placer les jeunes Jamaïcaines dans des universités renommées, où elles peaufinent leur football et poursuivent leurs études.

«Famille». «Au sein de notre groupe, nous ne sommes qu'une dizaine à être professionnelles, souligne Marlo Sweatman, qui joue pour le club hongrois du Szent Mihály. Les autres évoluent dans des universités américaines. Jody Brown est même encore au lycée.» Quel que soit leur parcours, les protégées de Cedella Marley ont tissé des liens très forts pendant les qualifications. «Nous sommes comme une famille, nous avons surmonté pas mal d'épreuves ensemble, ce qui nous a rapprochées, raconte la milieu défensive. Comme toutes les équipes des Caraïbes, nous n'avons pas beaucoup d'argent. On joue pour l'amour du football et c'est ce qui fait notre force.»