La garde à vue de Michel Platini, dans le dossier de l’attribution de la Coupe du monde 2022 au Qatar, tombe bien mal pour Nasser al-Khelaïfi. Le président du Paris-Saint-Germain avait choisi ce mardi pour faire son autocritique sportive, après une saison mitigée pour le club de la capitale. Dans un entretien à France Football, l’homme d’affaires s’affiche en«premier coupable» d’une année où «on a tous manqué de caractère et d’autorité».
L'opération séduction vise les supporteurs parisiens, qui n'ont toujours pas gagné la Ligue des champions mais se consoleront peut-être en apprenant que la direction marketing du PSG a vendu «plus d'1 million de maillots»dans le monde cette année. Rare dans les médias, Al-Khelaïfi sort de sa boîte pour évoquer le besoin d'un «électrochoc», d'un «nouvel élan» pour le PSG, introniser son nouveau patron technique, le revenant Leonardo, et recadrer sa mégastar, Neymar, plus que jamais en rupture de ban. Le plan com aurait été parfait sans le détour de «Platoche» devant les policiers.
Ricochet
Car à chaque fois que le mot «Qatar» est prononcé dans une affaire mêlant sport et justice, le nom de Nasser al-Khelaïfi, cerné par les tracas judiciaires, n'est jamais loin. Comment pourrait-il en être autrement ? L'ex-tennisman, fils de pêcheur de perles s'étant lié d'amitié avec l'émir du Qatar sur les courts de Doha, est devenu le pivot de la stratégie de soft power par le sport du micro-Etat de la péninsule Arabique. A travers deux casquettes essentielles : la présidence du PSG et celle de BeIn Media Group, le réseau de «divertissement» qui détient notamment les chaînes BeIn Sports. Le foot et les médias. Son implication dans ces deux secteurs lui vaut d'être cité par ricochet dans l'affaire Platini. La justice française se demande si, lors du fameux déjeuner à l'Elysée du 23 novembre 2010, le deal suivant a été passé entre Sarkozy, Platini et l'émir du Qatar : on vous donne la Coupe du monde, vous rachetez le PSG et montez un concurrent à Canal + pour aider le foot français. Les deux dernières tâches revenant dans la pratique à Al-Khelaïfi.
Ce dernier l'a reconnu le 20 mars lors d'une audition devant le juge Van Ruymbeke, qui l'a mis en examen deux mois plus tard pour «corruption active» dans le dossier de l'attribution des Mondiaux d'athlé 2019 à Doha. «En 2011, j'étais très occupé car je négociais l'achat du PSG», a déclaré celui qui était à la même époque le patron d'un BeIn (ancien Al-Jezira Sport) en pleine offensive sur les droits télévisés français. Difficile, dans ces conditions, de passer pour un simple lampiste dans la grande imbrication médiatico-sportive qatarie. Et d'autant plus quand vous jouissez également du titre de ministre (sans attribution) du Qatar et que le monarque vous a confié la direction d'un de ses fonds souverains (QSI, dédié au sport). Rien que ça…
Destinées
Présent à tous les étages des lieux de décision qataris, désormais bien placé dans les instances européennes de foot grâce à la montée en puissance du PSG, Al-Khelaïfi, également visé par le parquet fédéral suisse dans une autre affaire liée à des droits télé vendus par la Fifa, collectionne les conflits d'intérêts. Et ne fait pas toujours preuve d'habileté pour s'en prémunir. Devant le juge d'instruction français, il a dû s'expliquer sur sa participation à 50 %, à égalité avec son frère, dans la société Oryx QSI. Celle-là même qui a versé une commission de 3,5 millions de dollars (3,1 millions d'euros) pour les Mondiaux d'athlé de Doha. Heureuse diversification pour une boîte créée à l'origine pour faire, selon le mis en examen, de «l'hospitality lors d'événements sportifs ou autres, la restauration, traiteur».
Ce qui n’est pas sans avantage lorsque vous présidez aux destinées d’un des clubs de football les plus riches du monde… Mais «ce business a été mené par mon frère en qui j’ai toute confiance», s’est dédouané Al-Khelaïfi, toujours selon le procès-verbal de son audition consulté par Libé et d’abord révélé par Mediapart : «Il s’occupe de mon business et de celui de ma famille.» Et de sortir un argument imparable : «Je me préoccupe davantage de l’argent du Qatar que du mien.» Défense de rire.