L'image a suscité la polémique. Megan Rapinoe, seule, le genou à terre pendant que l'hymne national américain retentit dans le stade de Bridgeview (Illinois). Ses coéquipières du Seattle Reign FC sont debout, la main sur le cœur. Elles s'apprêtent à rencontrer les Chicago Red Stars, lors d'un match du championnat professionnel américain, le 4 septembre 2016. Ce geste politique, totalement assumé, fait écho à celui du quaterback des San Francisco 49ers, Colin Kaepernick, qui avait refusé de se tenir debout en signe de protestation face à l'oppression de la communauté noire américaine. En apportant son soutien à Kaepernick, Megan Rapinoe devient la première athlète blanche à rejoindre ce mouvement, qui s'insurge également contre les violences policières.
In 'little nod to Kaepernick,' Megan Rapinoe takes knee during national anthem of NWSL game. https://t.co/ybRHIUwUkN pic.twitter.com/lR6I6jajHN
— ABC News (@ABC) September 5, 2016
Silence
La prise de position de «Pinoe» ne lui a pas valu que des commentaires admiratifs. Elle lui a même apporté de nombreuses critiques. A commencer par la Fédération américaine, qui a vivement dénoncé l'attitude de la joueuse phare de l'équipe nationale, championne olympique et championne du monde en 2015. La joueuse est alors écartée de la sélection nationale pendant plusieurs mois. Qu'importe, la forte tête des Etats-Unis l'assume. «En tant qu'homosexuelle américaine, je sais très bien ce que signifie regarder le drapeau et ne pas avoir le sentiment qu'il protège toutes vos libertés, expliquait-elle à l'agence Associated Press. C'était une petite chose que j'étais en mesure de faire et que je compte continuer à faire. En espérant que cela fera parler.» Depuis, celle qui est devenue cocapitaine des «Stars and Stripes» poursuit son combat: ce n'est plus le genou qu'elle ploie qui porte ses revendications, mais le silence. Lors des huitièmes de finale face à l'Espagne, ce lundi, la milieu de terrain aux cheveux roses n'a pas dérogé à sa règle et a gardé le silence quand les premières notes de The Star-Spangled Banner se sont fait entendre. Un silence devenu sa manière de dire «fuck you» au gouvernement américain.
Meneuse
A 33 ans, la numéro 15 veut mener son équipe aussi haut que ses opinions. «Je vois en elle une joueuse qui a de l'influence sur ses coéquipières, pour ce qu'elle fait en dehors, par sa personnalité et son humour, mais aussi par son exigence», résume la sélectionneuse Jill Ellis. Forte de ses 156 sélections et de ses 47 buts, elle est considérée comme l'une des meilleures joueuses de l'histoire de son pays, qu'elle compte bien conduire à un quatrième sacre mondial. Rapide et technique, la milieu de terrain offensive n'hésite pas à descendre pour aider ses coéquipières en défense. Sur le flanc gauche, Megan Rapinoe peut s'avérer extrêmement dangereuse grâce à sa capacité à délivrer des passes décisives. Très précise du pied droit, comme du gauche, elle est redoutable lorsqu'elle se retrouve en position de tir et se montre particulièrement efficace sur coups de pied arrêté. Elle l'a de nouveau prouvé lundi en huitièmes de finale contre l'Espagne en marquant les deux buts de son équipe sur penalty. Comme souvent, la «grande gueule» des Etats-Unis était là où on l'attendait, quand on l'attendait. Et elle attend avec impatience le quart de finale face à la France le 28 juin.
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Ancienne coéquipière de Wendie Renard, Eugénie Le Sommer et Amel Majri lorsqu'elle évoluait à l'Olympique lyonnais (de janvier 2013 à février 2014), Megan Rapinoe n'a désormais qu'une hâte : les retrouver. Mais cette fois ce sera pour les battre. Et elles sont prévenues. «Tu veux toujours jouer contre les meilleures dans ta carrière. Eugénie, Wendie, Amel, Amandine et toutes les autres, elles font partie des meilleures joueuses du monde. Soyez prêtes, j'arrive!», a-t-elle déclaré sur TMC après la victoire face à l'Espagne.
Militante
Les combats de Rapinoe ne s'arrêtent pas aux bordures des terrains. Première joueuse de haut niveau à avoir fait son coming out – c'était en 2012 –, elle milite activement pour les droits des personnes LGBT+ mais aussi pour l'égalité entre les femmes et les hommes. Avec sa coéquipière Alex Morgan, elles ont mené le mouvement de protestation de 28 joueuses internationales contre la fédération américaine, qu'elles ont attaqué en justice pour «discrimination institutionnelle fondée sur le genre», le 8 mars. Elles critiquent l'USSF, la Fédération américaine de soccer, qui rémunère mieux les joueurs que les joueuses. Juste avant le début de la compétition, «Pinoe» a une nouvelle fois fait savoir son mécontentement que la finale de la Coupe du monde se dispute le même jour que celles de la Gold Cup (Coupe d'Amérique du Nord, d'Amérique centrale et des Caraïbes) et de la Copa America (Amérique du Sud). Une décision «ridicule» aux yeux de la cocapitaine, qui rêve d'un univers du football plus juste, où les équipes féminines n'évolueraient pas dans l'ombre de leurs homologues masculins.
La Fédération américaine n'est pas la seule à être dans la ligne de mire de Megan Rapinoe. «Sexiste», «misogyne», «mesquin», «raciste», «mauvaise personne»: celle qui partage la vie de l'ancienne basketteuse Sue Bird ne mâche pas ses mots pour qualifier le président américain, Donald Trump. En cas de titre, Megan Rapinoe l'assure, elle ne se rendra pas à la Maison Blanche. Aussi offensive que sur le terrain, la cocapitaine des «Stars and Stripes» a déclaré au magazine Sports Illustrated : «Je n'irai pas, je ne vais pas faire des courbettes devant le président qui, clairement, est contre tout ce en quoi je crois.» Ce à quoi Donald Trump a répondu mercredi : «Je suis un grand fan des équipes américaines, et du football féminin, mais Megan devrait d'abord gagner avant de parler! Termine le travail!»
France-Etats-Unis, vendredi 28 juin à 21 h sur TF1, TMC et Canal+