A chaque fois, c'est un évènement. Les confrontations entre Roger Federer et Rafael Nadal, les deux plus grands joueurs de tous les temps, font saliver les amateurs de tennis. Des matchs souvent d'anthologie qui resteront dans la mémoire collective de ce sport. Rafael Nadal résume d'ailleurs assez bien le sentiment général : «C'est à chaque fois une sensation unique et particulière parce que l'on sait aussi que les chances que cela se reproduise deviennent de plus en plus rares. Il faut donc en profiter.»
«En tennis, tu n’es bon que si ton adversaire te pousse dans tes retranchements»
Vendredi, sur le Centre Court de Wimbledon, le Suisse et l'Espagnol, 38 titres du Grand Chelem à eux deux, s'affronteront en demi-finale du tournoi londonien. Ce sera le 40e chapitre d'une des plus belles rivalités de l'histoire du tennis et du sport en général (1). Leur dernier duel remonte à il y a à peine plus d'un mois, en demi-finale de Roland-Garros. Un match malheureusement perturbé par le vent, dantesque ce jour-là. Un match que Rafael Nadal, roi de la terre, avait maîtrisé pour s'imposer en trois sets.
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Mais sur gazon, les deux frères ennemis ne se sont plus affrontés depuis onze ans, et cette fameuse finale d'anthologie de 2008, qui encore aujourd'hui compte parmi les cinq plus grands matchs du tennis de l'ère open. C'est dire l'excitation qui règne dans les allées du mythique All England Lawn Tennis and Croquet Club. «Quiconque aime le tennis ne peut que rêver d'une rencontre ici entre ces deux champions», se réjouit Martina Navratilova. Et l'ancienne gloire du tennis féminin de rappeler à quel point ce genre de rivalité grandit ceux qui la vivent, à l'image de celle qu'elle a connu à l'époque avec Chris Evert. «Chris et moi aurions peut-être remporté plus de titres si l'autre n'avait pas été là. Mais nous n'aurions jamais été d'aussi bonnes joueuses l'une sans l'autre. Et c'est pareil pour Roger et Rafa. Ils se tirent mutuellement vers le haut. En tennis, tu n'es bon que si ton adversaire te pousse dans tes retranchements, te force à jouer de super coups.»
Federer et Nadal en sont les premiers conscients. «Je suis excité à l'idée de retrouver Roger sur ce court après onze ans. Ça signifie beaucoup pour moi et probablement pour lui aussi», confiait l'Espagnol mercredi à l'issue de son quart de finale victorieux. Entre eux, c'est un peu «je t'aime, moi non plus». Ce sentiment de ne pouvoir se passer l'un de l'autre tout en souhaitant secrètement que l'autre n'ait jamais existé.
«Il restera toujours mon rival ultime.»
Leur destin commun a commencé ce jour de 2004 à Miami où le jeune Majorquin a eu l'affront de coller un 6-3, 6-3 au Bâlois alors confortablement installé au sommet du tennis mondial. Pendant longtemps, les deux légendes n'aimaient pas trop s'affronter, mais avec les années ils ont appris à mesurer ce qu'ils s'apportent l'un l'autre, à apprécier une rivalité sublimée un peu plus par chaque match mémorable. «Nous avons eu des batailles difficiles et douloureuses sur le court, nous avons parfois eu des divergences mais il y a toujours eu énormément de respect entre nous, nous avait confiés Federer il y a quelque temps. Nous avons partagé tellement de moments forts sur et en dehors du court que nous avons noué une forme d'amitié. Plus nous vieillissons et plus je me rends compte de l'importance de «Rafa» dans ma carrière. Il restera toujours mon rival ultime. Et même si j'étais déjà numéro un quand il est arrivé, il m'a aidé à progresser, à devenir un meilleur joueur.» A la veille de sa demi-finale parisienne face à Nadal, le Suisse avait avoué être revenu à Roland-Garros dans l'espoir d'affronter l'Espagnol. «Peut-être que la présence de Rafa est une source de motivation supplémentaire dans ma carrière. Notre rivalité fait partie de ce que j'aime dans le tennis. Son jeu et mon jeu se complètent bien.»
Une opposition de style et de personnalité qui fait de chacune de leur rencontre, à quelques rares exceptions près, un pur délice avec tous les ingrédients nécessaires à un bon match, qualité de jeu, suspense, dramaturgie et ce sentiment qu'à chaque fois, l'histoire est en marche. «Quand je m'entraîne, j'essaie de progresser et ajuster mon jeu pour honorer notre rivalité, confie encore Federer. Lorsqu'on s'affronte, on sait que c'est quelque chose de grand pour le sport et on essaie de donner le maximum.»
C’est ce qu’ils feront l’un et l’autre vendredi. Pour une place en finale. Et surtout pour le plus grand plaisir des amateurs.
(1) Sur leurs 39 face-à-face en simple (hors matchs amicaux), Nadal mène 24-15. Sur terre battue, l'Espagnol mène 14-2 face au Suisse, qui lui domine sur surfaces dures (11-9 et sur gazon (2-1).