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Tour de France : «Libé» rembobine une édition de folie

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Retour sur les temps forts d'une Grande Boucle où (presque) rien ne s'est passé comme prévu.
Julian Alaphilippe lors de l'étape entre Limoux et Foix Prat d'Albis, le 21 juillet. (Photo Marco Betorello. AFP)
publié le 28 juillet 2019 à 15h49

Les quinze jours en jaune de Julian Alaphilippe, l'abandon en larmes de Thibaut Pinot, la première victoire colombienne avec Egan Bernal… Trois semaines durant, le 106Tour de France a réservé son lot de rebondissements et de moments fous, doux, improbables. Récit.

Test urinaire sur le maillot jaune

6 juillet. Il paraît que le maillot jaune était un objet sacré… Les organisateurs ont détesté que le vainqueur 1996, Bjarne Riis, raconte avoir abandonné le sien dans sa cave. Les historiens frémissent avec le récit (faux) sleon lequel Luis Ocana (1973) utilisait l'étoffe pour nettoyer son pare-brise. Les gardiens du temple ont dû s'étrangler de voir le Manneken Pis habillé d'un mini maillot jaune. Blasphème ? Dérogation accordée à la ville de Bruxelles qui finançait le grand départ 2019 ? La relique mystique fêtait ses 100 ans cet été.

Le Manneken Pis affublé d’un maillot jaune, le 6 juillet à Bruxelles.

Photo AFP

Vélo-champagne

8 juillet. La «Super Planche» des Belles Filles, pente à plus de 20% dans les Vosges, aura moins dynamité la course que les routes de Champagne trois jours plus tôt. Comment échapper à la léthargie qui guette au cours de la première semaine du Tour ? Trente kilomètres dans la montagne de Reims et Julian Alaphilippe produit une attaque kamikaze (et gagnante) qui lui permet de prendre le maillot jaune à Epernay. Ce qui donne dans la presse beaucoup de jeux de mots sur le champagne, l'étape pétillante, le maillot jaune à bulles, héhé.

Loulou, Poupou… et moi

9 juillet. Même pas une journée que «Loulou» Julian Alaphilippe porte le maillot jaune et Richard Virenque sort du bois, interviewé par le Parisien : «Pour le public populaire du vélo, il y a désormais Poulidor, moi et Alaphilippe.»

Julian Alaphilippe lors de la dixième étape.

Photo AFP

Offredo, roi des négos

13 juillet. Il s'en passe de belles à l'arrière du peloton, loin des caméras. Le 13 juillet, Libé prend place dans la voiture-balai, qui suit les derniers coureurs de la course. A bord, un commissaire chargé de surveiller les éventuelles filouteries. Ce jour-là, c'est la lanterne rouge Yoann Offredo (Wanty-Groupe Gobert) qui galère. Une première fois, le Francilien s'abrite dans le sillage de la voiture de son équipe, ce que les règles prohibent. Rappelé à l'ordre, le coureur se fâche auprès du commissaire : «Tu vas pas me faire chier alors que je me suis tapé une échappée de 200 bornes hier !» Tout près de l'arrivée, il redescend carrément à hauteur du «balai» pour qu'on lui fasse une fleur : «Pourquoi tu ne nous laisses pas nous mettre un peu derrière la voiture ? On a le vent de trois-quarts face… Arrête-toi pisser ! Comme ça tu verras rien…» Niet du commissaire. Offredo finira quand même le Tour.

Perdus dans la bordure d’Albi

15 juillet. Qu'est-ce que le «spectacle» dans le vélo ? Un sprint fast and furious ? Une ascension de col haut perché ? Non, une étape de «plat» réputée pour faire dormir. Le 15 juillet, entre Saint-Flour (Cantal) et Albi (Tarn), un coup de «bordure» disloque le peloton à 34 kilomètres de l'arrivée, certaines équipes accélérant alors que le vent se lève. Piégé à l'arrière, le Français Thibaut Pinot perd 1'40'' sur d'autres favoris. Son bilan : «Journée de merde !»

Greipel, la gêne

17 juillet. Moment d'incrédulité en découvrant le sprint à Toulouse pour la onzième étape : le grimpeur Warren Barguil, est noté 10e. Son équipier sprinteur André Greipel, classé 36e. L'Allemand, lauréat de onze étapes sur le Tour (la dernière en 2016), n'aura jamais fait mieux que douzième cette année. A 37 ans, Greipel fait plus que jamais son âge. Les communiqués de presse de son équipe Arkéa-Samsic nous plongent dans les abîmes de la lose. Barguil : «Dans la dernière montée, j'ai dit à André Greipel de prendre ma roue, j'ai essayé de le placer du mieux possible, […] mais il a été obligé de freiner dans le dernier virage.» Six jours plus tard, à Nîmes, le directeur sportif Yvon Ledanois raconte : «Florian [Vachon] a sprinté sous la flamme rouge en criant pour qu'André Greipel le suive mais ça ne s'est pas fait.» Le principal intéressé est désolé : «Je manque de confiance… c'est tout.»

André Greipel, au départ du Tour.

Photo AFP

La Grande Bouffe

Thomas De Gendt, vainqueur d'étape (à Saint-Etienne) et chroniqueur gastronomique. Tous les soirs, le baroudeur belge poste les gueuletons de son équipe Lotto-Soudal sur les réseaux sociaux. Gaufres de pomme de terre à l'origan, lasagnes coco-patate douce… Standards inhabituels pour des cyclistes encore condamnés au pâtes-poulet il y a quinze ans. Et trop élevés pour les envoyés spéciaux de Libé, qui se contentent d'un demi-cochon au munster en Alsace, face à un journaliste américain qui déteste la nourriture française, sauf si… Notre homme concède un soir être prêt «à manger des escargots, à condition que ce soit dans un burrito».

Alerte enlèvement

18 juillet. Panique dans la première étape des Pyrénées : l'Australien Rohan Dennis a décidé de quitter la course, à la veille du contre-la-montre de Pau, dont il est l'un des favoris. Sauf que son employeur n'est pas au courant… Pris de court, le Team Bahrain-Merida livre une masterclass de communication ratée, annonçant sur Twitter lancer une «enquête» pour retrouver son poulain. Agitation folle autour de l'équipe : pourquoi Dennis, qui n'est pas malade, a-t-il abandonné ? Aux dernières nouvelles, le caractériel leader serait mécontent de son matériel et se serait mis en quête d'un nouveau point de chute dans le peloton, vraisemblablement l'équipe CCC, ex-Team BMC, qui l'avait déjà accueilli après un précédent pétage de plombs en 2014.

Orchestre

20 juillet. Un scoop pour Libération : Emmanuel Macron a joué dans un concert de bandas au sommet du Tourmalet, caché dans un resto dont le propriétaire est un ami d'enfance. De la grosse caisse précisément, pour cet ancien étudiant de piano au conservatoire d'Amiens.

Emmanuel Macron lors de l’étape du Tourmalet.

Photo AFP

Madiot casse la voix

20 juillet. C'est un classique de juillet : Marc Madiot en roue libre devant les caméras, vrillant les tympans pour encourager ses poulains de la Groupama-FDJ… qui ne l'entendent pas, puisqu'il est à plusieurs kilomètres de la course, posté devant une télé. Cette année, les hurlements ont fait trembler le sommet du Tourmalet, devant moult caméras et micros de radios : «Allez Thibaut [Pinot] ! Allez mon grand ! T'es grand aujourd'hui ! T'es très grand !!! Ouaaaais !»

Thibaut Pinot vainqueur au Tourmalet.

Photo AFP

Forçats de l’autoroute

21 juillet. Un des plus gros budgets du peloton (30 millions d'euros par an) et un Tour raté pour ses leaders, Fabio Aru et Dan Martin (grimpeurs) ou Alexander Kristoff (sprinteur). Le Team UAE-Emirates a même fait un arrêt d'urgence le 21 juillet entre Foix (Ariège) et Nîmes (Gard) pour acheter des sandwichs triangle sur une aire d'autoroute. Le staff avait oublié de préparer une collation à ses coureurs pour le transfert en bus long de quatre heures.

Movistar casse les yeux

23 juillet. Le trio comique de ce Tour : Mikel Landa, Nairo Quintana et Alejandro Valverde. Respectivement 6e, 8e et 9e du Tour, ils partagent le même maillot mais semblent faire chacun leur propre course. Pour balayer cette mauvaise image, un membre du Team Movistar a eu la brillante idée de tourner une vidéo des trois compères. Assurant que le «groupe vit bien», comme le dit l'adage. Valverde le jure : «L'ambiance est sensationnelle.» Sourires crispés et embarras maximal quand Landa entreprend de masser le mollet de Quintana.

Sagan bouillonne

24 juillet. 45°C ressentis sur le bitume du Tour dans la région de Nîmes ou de Gap. La clim s'emballe avant la grêle dans les Alpes. Peu de coureurs osent se plaindre. Sauf Peter Sagan, désormais septuple maillot vert : «J'avais l'impression de rouler dans un four, lâche le Slovaque. J'ai dû boire énormément de bidons. J'en prenais un, puis un autre, puis un autre. Nous avions de la chance aujourd'hui que c'était plat. Des températures comme celles-ci dans une étape de montagne, c'est du suicide.»

Les bad boys renvoyés à la maison

24 juillet. Deux sales gosses pris la main dans le sac. Tony Martin (Jumbo-Visma) et Luke Rowe (Ineos) sont exclus pour une altercation en direction de Gap : coup d'épaule donné par le premier, coup de poing décroché par le second. Les loulous tentent de faire acte de contrition dans une vidéo commune. Mignon, mais leur collègue Alessandro De Marchi (Team CCC), ne se laisse pas attendrir : «Super nouvelle, c'est un signal pour ceux qui se croient plus malins que les autres.» Avant de leur conseiller une «reconversion dans le cinéma quand ils arrêteront le vélo».

Barguil le Français

26 juillet. Comment ça, le champion de France ne serait pas assez patriote ? Warren Barguil (Arkéa-Samsic) est obligé de se justifier après l'étape raccourcie de l'Iseran dans laquelle il a osé prendre un relais au Colombien Egan Bernal, alors en train de s'envoler vers le maillot jaune. Et le Français de se justifier le soir sur Twitter : il a juste voulu «ralentir le tempo». Sous-entendu : en fait, il n'a jamais essayé de faire perdre Julian Alaphilippe. Les ravages du chauvinisme qui a gagné petit à petit les médias et les réseaux sociaux sur le Tour…

La météo de la partie

26 et 27 juillet. L'étape de Tignes (Savoie) raccourcie à 20 kilomètres de l'arrivée (donc sans la montée de Tignes). L'étape de Val Thorens coupée de moitié (mais avec l'ascension de «Vaaal Tho»). Du jamais vu en 106 éditions : la météo flingue le parcours du Tour tout comme la banquise au Groenland. Pendant ce temps, les vingt-deux bus des équipes tournent dix heures par jour sur leurs parkings, climatisation à fond les ballons. Le Tour transbahute plus de 2000 voitures sur 5000 kilomètres. Et le maillot jaune Bernal est sponsorisé par Ineos, plus gros producteur de plastique en Europe.

Bardet-Pinot, les montagnes russes

27 juillet. Mercredi, Thibaut Pinot était en course pour gagner le Tour de France. Romain Bardet, lui, traînait son spleen loin des favoris. Cinq jours plus tard, le premier a dû quitter le Tour, blessé à la cuisse. Le second est sur le podium des Champs-Elysées, vêtu du maillot à pois du classement de la montagne… Un ascenseur émotionnel à l'image des trajectoires des deux Français : quand l'un va, l'autre galère…

Romain Bardet lors de l’étape de Val Thorens, samedi.

Photo AFP

On s’en souviendra aussi…

• L'équipe Jumbo-Visma reconnaît l'emploi de boissons aux cétones, qui permettent une amélioration supposée de la performance pas interdites par les règlements.

• Burn-out dans la caravane. Un employé de char publicitaire implore de quitter les véhicules du volailler le Gaulois, traumatisé par les slogans en boucle. Il est redirigé vers les carrosses de la moutarde Amora, qui matraquent de la musique.

• Alors que Thibaut Pinot abandonne la course, Franck Ferrand, le monsieur Patrimoine de France Télévisions, nous entretient des charmes du «Fort Marie-Christine» (Savoie).

• Intempestifs, les spots publicitaires d’un dénommé Bernard Canetti sur France 2 et son «programme minceur»…