L'Ecossais David Millar, ancien coureur, désormais consultant pour la chaîne britannique ITV, connaît bien l'ex-Team Sky (rebaptisée Ineos depuis le printemps dernier). Il avait failli y être embauché, avant que son statut d'ancien dopé ne ruine sa candidature. Millar, dont la soeur Fran supervise toutes les activités hors-vélo d'Ineos, revient pour Libération sur le nouveau succès de la formation britannique, qui a inscrit avec Egan Bernal un quatrième de ses coureurs au palmarès du Tour de France (après Bradley Wiggins, Chris Froome et Geraint Thomas).
Ineos est-elle avant tout plus riche que ses concurrentes, ou est-ce qu'on y travaille mieux ?
Ineos est effectivement l'équipe la plus riche du peloton [environ 40 millions d'euros par an, ndlr], mais le budget ne fait pas tout. Il suffit de regarder les résultats plus que moyens d'autres formations très bien dotées. Cette équipe est parvenue à mettre en place un écosystème permettant l'épanouissement des coureurs, en-dehors duquel ils ne réussissent pas forcément. Comme chez Deceuninck-Quick Step [l'équipe belge de Julian Alaphilippe, ndlr], il existe un esprit de corps chez Ineos : les coureurs fonctionnent en harmonie et acceptent de travailler les uns pour les autres.
Avec ses «gains marginaux» et ses succès en série, l'équipe a longtemps suscité la méfiance et les critiques...
Sky a changé. D'une approche très scientifique au début, l'équipe a compris ce qui faisait la culture du vélo, l'importance de la tactique… Elle tend à ressembler de plus en plus aux autres équipes, qui elles-mêmes tentent de l'imiter. Mais sa force principale reste sa capacité à adapter son modèle. Malgré le succès, rien n'est immuable, tout peut toujours être amélioré. Sur le plan de l'éthique, elle a commis quelques erreurs au début, notamment sur les autorisations à usage thérapeutique (AUT).
Avec Egan Bernal, Ineos a-t-elle déjà dans ses rangs le coureur des prochaines années ?
Cette équipe est le bon endroit pour un jeune coureur. Pas pour une raison financière - Ineos n'offre d’ailleurs pas forcément les meilleurs salaires -, mais pour l’expertise, les programmes d’entraînement, la recherche sur la nutrition ou le matériel. Sky commencé il y a déjà deux ans à construire son équipe de la prochaine décennie [avec, outre Bernal, des hommes comme Pavel Sivakov ou Ivan Sosa, ndlr]. Bien sûr, la concurrence progresse et des formations comme Jumbo-Visma se rapprochent. Mais Ineos tend à se concentrer de plus en plus sur un seul objectif dans la saison, le Tour de France. C’est comme une prophétie auto-réalisatrice. Et comme en plus, ils ont mis en place une fantastique pépinière de talents, je ne vois pas ce qui peut les empêcher de continuer à gagner autant qu'au cours des dernières années.