Le jeune vainqueur du Tour de France 2019 et nouvelle idole colombienne l'avait exigé : pour son retour au pays, pas d'accueil bruyant à l'aéroport, ni de défilé dans les rues de la capitale perché sur une voiture de pompiers, comme pour les stars du football, et encore moins de réception au palais présidentiel. Egan Bernal est donc arrivé en catimini lundi soir à Bogotá, quasiment exfiltré de l'avion qui le ramenait d'Europe, avec pour toute haie d'honneur celle des employés de l'aéroport sur le tarmac, qui lui ont crié «champion». Puis il s'est engouffré dans un hélicoptère de la police qui l'a immédiatement transféré 42 kilomètres plus loin, à Zipaquirá, sa ville natale.
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Le premier Colombien (et Sud-Américain) vainqueur d’un Tour de France a réussi à esquiver les paparazzis et les bains de foule. En guise de carte postale pour annoncer son retour au pays, il a posté sur Instagram une vidéo du survol de sa ville, regard ravi, enlaçant sa fiancée, la cycliste Xiomara Guerrero. Après la fin du Tour, suivi en moins d’une semaine de six courses et divers critériums, le héros est bien rentré au bercail.
«Amuse-gueule»
Pour les fans, les aficionados, les cyclistes du dimanche, les chauvins et les officiels, la fête est prévue ce mercredi, comme Bernal l'a annoncé sur ses réseaux sociaux : «Mes amis, rendez-vous à Zipaquirá mercredi 7, 8 heures.» Mais attention, ce sera, si le scénario prévu tient le coup, «un événement sobre et simple, à l'image d'Egan, plutôt court, un joli moment à partager avec les gens de chez lui et ceux qui viennent d'ailleurs», assure Pablo Mazuera, très proche mentor et ami du champion, chargé de coordonner l'événement avec la Fédération de cyclisme colombienne. Le «si heureux» fondateur, mécène et président de la fondation privée Mezuena, qui prend en charge les jeunes cyclistes les plus talentueux de la région, pressent «que cette victoire sur le Tour de France n'est sans doute qu'un amuse-gueule, le début de ce qui peut être une longue carrière remplie de satisfactions pour lui et pour nous, sa famille, pour la Colombie et pour le monde, car c'est un cycliste qui va générer du spectacle».
Ce mercredi, il devrait y avoir du monde pour honorer le champion sur la plaza de Los Comuneros. Notamment parce que le 7 août est jour férié en Colombie, et pas n’importe lequel : on célèbre la bataille de Boyacá, remportée en 1819 par les troupes de Simón Bolívar et Francisco Santander contre les royalistes, qui consacra l’indépendance de l’éphémère Grande Colombie. Deux cents ans plus tard, Egan Bernal remettra donc, à moins de 100 km du site de la fameuse bataille, son maillot jaune à la Fédération de cyclisme, et son maillot blanc (de meilleur jeune) à la ville de Zipaquirá. Il fera monter sur l’estrade Pablo Mazuera, mais aussi l’entraîneur et cycliste Fabio Rodríguez, les deux hommes qui ont lancé sa carrière, et donnera une conférence de presse publique. Tous les grands champions du pays qui ont convoité le Tour de France et ont fait rêver les Colombiens seront là : Luis «Lucho» Herrera, Fabio Parra, Efraín «Zipa» Forero, Martin Emílio «Cochise» Rodríguez…
Papillons
Le tout ne devrait pas durer plus de deux heures, affirment les organisateurs, tant le cycliste n’aime pas les honneurs. Lundi, il y avait cependant la queue devant le cabinet du maire, qui pour proposer une chanson fraîchement composée en l’honneur du champion, qui pour s’assurer une place dans la tribune VIP… Les élections régionales sont proches et bien des politiques aimeraient être sur la photo avec le maillot jaune.
Fête ou pas, les cyclistes de Zipaquirá ne cessent pas de pédaler. A 59 ans, Marthica Cortés, pionnière du VTT en Colombie, multichampionne et formatrice de plusieurs générations de coureurs, dévalait lundi, comme chaque après-midi, les pistes du Bosque de Salinas, où s’est entraîné le petit Bernal avant de passer à la route. Une délégation vérifiait aussi le parcours en prévision de la coupe nationale de VTT, dans une dizaine de jours. Fabio Rodríguez accueillait comme d’habitude une dizaine de jeunes de 6 à 15 ans grimpant avec entrain : l’un arborant la tenue toute neuve de l’équipe Ineos offerte par des parents attentionnés, l’autre portant le maillot de Nairo Quintana, l’autre héros colombien du Tour. Tous avec un sourire aux lèvres, malgré l’effort, à la poursuite de leurs rêves de championnat.
Du haut de ses 11 ans, l’infatigable Julian savoure en plus une gloire toute nouvelle. Ses larmes - de joie -, le 27 juillet, devant l’écran géant qui retransmettait la victoire de son héros, ont fait le tour du monde. Sur une magnifique et toute fraîche fresque murale sise sur la place de Villaveces, le voici peint sur son vélo à côté d’un immense Bernal entouré de papillons jaunes. Lundi, avant son entraînement, alors qu’il posait là pendant que les artistes Cifuentes et Cacerolo mettaient les dernières touches à leur œuvre, les badauds se pressaient pour être photographiés avec lui… En attendant Bernal.