Ce n’est plus de l’orpaillage de petit artisan, à la recherche d’une pépite d’or si rare dans une rivière de boue. C’est le pillage à l’arme de guerre d’une banque barricadée et de ses lingots. Mais que se trame-t-il dans le peloton ? La saison cycliste 2019 s’est poursuivie dimanche par un nouvel exploit historique, la révélation du Slovène Tadej Pogacar (Team UAE-Emirates), 20 ans, qui, pour sa première saison chez les professionnels, s’autorise à grimper sur le podium final du Tour d’Espagne, derrière son compatriote Primoz Roglic (Team Jumbo-Visma), 29 ans, et l’Espagnol Alejandro Valverde (Movistar), 39 ans - l’âge d’être son père… En prime, Pogacar égale un record datant de quatre décennies, en remportant trois étapes sur une épreuve de trois semaines, à moins de 21 ans. «Je ne comprends pas comment il fait ça, commente un coureur qui le voit évoluer de près. Avec un meilleur équipement et une meilleure équipe, c’est sûr, il gagnait ce Tour d’Espagne.»
Explosive
L’affirmation expresse du coureur slovène fait suite au triomphe du Colombien Egan Bernal (Team Ineos), 22 ans, dans le récent Tour de France - le plus jeune lauréat depuis l’après-guerre -, ou aux coups de force du Belge Remco Evenepoel (Deceuninck-Quick Step), 19 ans, le plus jeune prétendant aux classiques, contre-la-montre, étapes diverses depuis… on ne sait même plus qui. Cette génération explosive est complétée par le Néerlandais Mathieu Van Der Poel (Corendon-Circus), un peu plus vieux avec ses 24 ans, et auteur de numéros monstrueux, comme au Tour de Grande-Bretagne qu’il a remporté ce week-end.
«Ne croyez pas que je souriais, c'était de la souffrance», a été obligé de déclarer Pogacar samedi, au terme d'un nouveau succès, sur les hauteurs de Plataforma de Gredos (province d'Avila). Il faut dire que «Pogo» impressionne le public tant par ses résultats que l'aisance inouïe qu'il dégage sur les pentes en altitude. Né à Komenda, à une demi-heure de voiture de Ljubljana, la capitale, ce nouveau prodige a découvert le cyclisme à 9 ans sur les traces de son frère aîné. Lauréat du Tour de l'avenir en 2018, l'épreuve de référence des 19-22 ans, successeur d'Egan Bernal au palmarès, il s'était déjà signalé en 2019 en épinglant le Tour d'Algarve et le Tour de Californie. Coureur affable et attachant, Pogacar semble faire l'unanimité auprès de ses collègues cyclistes et de la presse. Au contraire de son compatriote Roglic, dit «Roglo», qui a passé son temps à esquiver les interviews tandis qu'il bâtissait en Espagne le plus grand succès de sa carrière.
Embellie
Après l’Equateur avec Richard Carapaz, vainqueur du Tour d’Italie, la Slovénie se taille une place inattendue parmi les grandes nations cyclistes avec deux ressortissants sur le podium de celui d’Espagne. L’ancienne province yougoslave, 2 millions d’habitants, n’avait jusqu’alors jamais produit de protagonistes pour les grands tours. Son embellie subite est cependant ternie par l’«opération Aderlass», l’enquête de dopage dans le ski et autres disciplines qui a éclaté l’hiver dernier en Allemagne et en Autriche. Deux coureurs slovènes ont été suspendus en lien avec ce vaste réseau de transfusions sanguines : Borut Bozic, Kristjan Koren, ainsi que Kristijan Durasek, un coéquipier croate de Tadej Pogacar.
Dans le même temps, l’Union cycliste internationale annonçait l’ouverture d’une enquête sur le Slovène Milan Erzen, manager de la formation Bahrain-Merida, qui aurait collaboré avec un médecin cité dans l’opération Aderlass. En novembre, le directeur sportif de de cette même équipe, Gorazd Stangelj, également citoyen slovène, tentait une explication sur l’explosion imminente de ses compatriotes : «Ce sont vraiment de gros travailleurs, déclarait-il au magazine britannique Rouleur. Quand on leur demande de bosser, il n’arrive quasiment jamais qu’ils donnent 60% ou 40% de leur potentiel. Ils donnent tout ce qu’ils ont.»