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Libération
Soirée de gala

Mondiaux d'athlétisme : à Doha, Dalilah Muhammad et Mutaz Barshim font monter la température

Un record du monde du 400 m haies femmes, un Qatari en or à la hauteur : le stade a enfin vibré vendredi soir.
Dalila Muhammad a battu son propre record du monde du 400 m haies. (USA TODAY USPW/Photo USA TODAY USPW. Reuters)
publié le 5 octobre 2019 à 8h05

Le record du monde est devenu une denrée rarissime en athlétisme. Les plus anciens remontent aux années 80. Ils résistent à tout. Mais une jeune Américaine de 29 ans, toujours impeccablement coiffée, même sur la ligne d'arrivée, sait les dégoupiller comme une rangée de pipes sur un stand de tir. Dalilah Muhammad, originaire de New York mais installée à Los Angeles, s'en est offert un premier le 28 juillet dernier, au 400 m haies, sur la piste du stade de Des Moines, en Iowa. Son chrono, 52'20'', a effacé le temps de la Russe Yuliya Pechonkina (52'34''), établi seize ans plus tôt. Sur le moment, sa performance a été accueillie comme une anomalie. Il pleuvait, pendant son tour de piste. De son propre aveu, sa course «n'a pas été parfaite».

Vendredi soir, au Khalifa Stadium de Doha, Dalilah Muhammad a plié sa fine silhouette dans les starting-blocks, pour la finale du 400 m haies des Mondiaux 2019. Elle n'a pas pensé au record. «J'avais une seule idée en tête, être la plus compétitive possible», racontera-t-elle plus tard. Mais la présence dans un couloir voisin de sa compatriote Sydney McLaughlin, tout juste 20 ans, maquillée comme pour sortir, faux-cils et ongles faits, ne lui autorise aucun relâchement. Résultat : 52'16'' pour Dalilah Muhammad. Nouveau record du monde. Le second en moins de deux mois. Deuxième en 52'23'', Sydney McLaughlin s'offre un chrono qui l'aurait installée quelques semaines plus tôt au sommet de sa discipline.

«Je voulais tellement la médaille d'or, mais battre le record du monde en plus, c'est juste fantastique, explique Dalilah Muhammad en conférence de presse. J'ai seulement essayé de remporter la course, mais quand j'ai senti Sydney revenir à ma hauteur à la 9e haie, j'ai donné tout ce que j'avais. Deux records du monde dans une même saison, ça semble assez fou. Mon coach m'avait assuré que j'en avais les moyens. J'ai fini par le croire. Maintenant, je me dis que je peux faire tomber la barre des 52 secondes.»

Barshim au rendez-vous de Doha

A sa manière, sobre mais d’une froide efficacité, Dalilah Muhammad a offert vendredi soir aux Mondiaux de Doha une rareté que rien ne pourra leur enlever. Un moment d’histoire. Une place dans les livres. L’Américaine l’a fait dans un stade plein comme un œuf, où l’ambiance s’est enfin mise au diapason de l’événement. En une soirée, le Khalifa Stadium s’est délesté des critiques sur ses tribunes vides, sur la chaleur de Doha et sur l’indifférence de son public, rabâchées comme un refrain depuis le début des compétitions.

Enveloppée d’un record du monde, la soirée était déjà réussie. Mutaz Barshim l’a rendue unique. Attendu par le Qatar comme l’homme des Mondiaux, il a joué son rôle avec tout le métier d’un habitué des planches. Champion du monde en titre du saut en hauteur, le natif de Doha s’est pointé dans le stade en traînant dans son ombre les doutes d’une saison fantomatique, plombée par les séquelles d’une opération de la cheville subie une année plus tôt. Ses états de service laissaient craindre le pire. Avant les Mondiaux, il n’a pas été capable de sauter plus haut que 2,27 m. L’émir en personne s’en serait inquiété.

En qualifications, mardi 1er octobre, il assure l'essentiel, un saut à 2,29 m et une place en finale. Le pays respire. En finale, son concours offre enfin aux Mondiaux ce qui leur manquait depuis le premier jour : un public survolté et une ambiance de feu. Jusqu'à 2,30 m, Mutaz Barshim semble se jouer de la barre sans même l'effleurer. A 2,33 m, il a besoin de trois essais pour rester dans le concours. Le suspense y gagne. Tant mieux. A 2,35 m, il s'assure une place sur le podium. A 2,37 m, réussis au premier essai, ses deux derniers rivaux, les Russes Mikhail Akimenko et Ilyia Ivanyuk, rendent les armes. Le Qatar tient sa médaille d'or.

«C'est un rêve, s'épanche Mutaz Barshim. Tout le monde était là, ma famille, mes amis, et même l'émir. Je n'étais pas à 100%, mais quand j'ai vu tous ces gens venus pour m'encourager, je me suis dit que je devais donner tout ce que j'avais, même s'il avait fallu me conduire sur le sautoir en ambulance ou en fauteuil roulant.» Au huitième jour de la compétition, vendredi, les Mondiaux de Doha ont basculé dans une autre dimension. Celle des grands événements.