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Analyse

Mondial de rugby : les Bleus en désordre de bataille

Coupe du monde de rugby 2019dossier
Pour le quart de finale au Japon, le coach a dessiné une équipe type. Mais les multiples changements dans les compositions depuis le début de la compétition privent le XV de France de certitudes avant d’affronter le pays de Galles.
Les Bleus à l’entraînement, vendredi à Oita, avant le quart de finale contre les Gallois ce dimanche. (Photo Edgar SU. Reuters)
par Cédric De Oliveira, envoyé spécial à Oita (Japon)
publié le 18 octobre 2019 à 19h56

Il aura fallu attendre la fin de la phase de poules pour voir un premier fil conducteur dans les choix de Jacques Brunel. Pour affronter les Gallois ce dimanche en quart de finale du Mondial, le sélectionneur a reconduit l’intégralité des titulaires qui ont battu l’Argentine il y a un mois (23-21), à l’exception du deuxième ligne Arthur Iturria, remplacé par Bernard Le Roux. Si une équipe type se dessine, les certitudes des Bleus ne reposent donc que sur la mi-temps inaugurale réussie face aux Pumas.

Manque de rodage

Leur premier tour se résume aussi à des passages à vide et à un manque de maîtrise vus contre les Argentins, les Etats-Unis (33-9) et les Tonga (23-21). «Le XV de France a des difficultés parce que peu de joueurs sont véritablement installés à leur poste, estime Imanol Harinordoquy, ex-international aux 78 sélections et 3 Coupes du monde à son actif. C'est difficile de définir une épine dorsale. Et sans ça, il est compliqué de créer une force collective. C'est dommage car les Bleus ont fait des progrès mais ils serrent systématiquement les fesses en fin de match…»

Le staff tricolore semblait tâtonner depuis le début de l’aventure nippone. En témoignent les trois charnières différentes qui ont débuté chacun des matchs : Dupont et Ntamack face à l’Argentine, Machenaud et Lopez contre les Américains et puis Serin et Ntamack face aux Tonga. Certes, les blessures ou les typhons ne sont pas toujours prévisibles, mais dans un secteur qui exige des automatismes entre demis de mêlée et d’ouverture, le manque de rodage de Dupont et Ntamack pourrait poser problème.

Face aux Gallois, les jeunes Toulousains vivront seulement leur quatrième titularisation commune à la charnière. C'est peu et le souci ne date pas d'hier pour le XV de France. Contrairement aux grandes nations du rugby, aucun duo ne s'est véritablement installé ces dernières années. «Il y a quand même une connexion entre nous, tempère Serin, remplaçant dimanche. On a eu trois mois pour se préparer, on se connaît bien maintenant.» Face aux expérimentés Davies et Biggar, Dupont et Ntamack passeront un véritable test sur la pelouse d'Oita.

«Côté imprévisible»

En manque de repères, les Bleus pourront tout de même compter sur leur capitaine, Guilhem Guirado. Mais le Montpelliérain sera titulaire pour la troisième fois seulement en sept rencontres depuis le début de la préparation. Son cas interpelle. «Je ne comprends pas ce que le staff essaye de faire avec lui, s'interroge Harinordoquy. En France, on a inventé un concept : le capitaine qui ne joue pas. Ce flou n'est bon ni pour lui, ni pour les Bleus.»

Le capitaine partage désormais son temps de jeu avec son concurrent direct au talonnage, Camille Chat, plus jeune, plus mobile et donc semble-t-il plus adapté au style préconisé par Fabien Galthié, le nouvel adjoint en charge de «l'animation collective» et futur sélectionneur. Déjà fragilisé lors du dernier tournoi des Six Nations par le staff qui a pensé s'en séparer, Guirado reste soutenu par les joueurs. Depuis leur arrivée au Japon, ils répètent à l'envi que «le capitaine, c'est Guilhem…» Mais avec son temps de jeu déclinant, sa légitimité est remise en cause. «Ton capitaine doit pourtant être l'un des premiers noms que tu couches sur la liste, si ce n'est le premier, insiste Harinordoquy. C'est un groupe qui manque de maturité, alors si tu le prives des leaders, cela peut avoir un impact quand les matchs deviennent serrés…»

Le XV est une équipe fragile, en perpétuelle reconstruction. La dynamique des Gallois est opposée. Nantis d'un Grand Chelem cette saison, les hommes de Warren Gatland connaissent leur plan de jeu sur le bout des doigts et ont conscience de la nature de leur adversaire. «Les Français ont ce côté imprévisible, ils adorent le jeu dans le désordre», a glissé cette semaine l'entraîneur des arrières gallois, Stephen Jones. Alors ce manque de certitudes, un avantage finalement ? Harinordoquy encore : «Avec cette équipe, c'est pile ou face. On peut faire un grand match ou totalement l'inverse ! Je m'attends à tout dimanche.»