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Coupe du monde

Rugby : France-Galles sur une fausse note

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Le XV de France entrevoyait la demi-finale de Coupe du monde, dimanche, avant de perdre d’un point. Une issue qui résonne avec l’inconstance de ces dernières années. Un cycle prend fin.
A la fin du quart de finale entre le pays de Galles et la France (20-19) à Oita, au Japon, dimanche. (Photo Peter Cziborra. Reuters)
par Cédric De Oliveira, Envoyé spécial au Japon
publié le 20 octobre 2019 à 20h21

Il y a quelque chose de tragicomique avec ce XV de France. Dimanche, sur la pelouse d'Oita, au Japon, il a sans doute livré l'une de ses plus belles prestations des dernières années, mais a fini par laisser échapper une victoire qui lui semblait promise. Comme d'habitude, serait-on tenté d'écrire. Décomplexés et entreprenants pendant la majeure partie de leur duel face aux Gallois, les Bleus quittent ce Mondial en ayant le sentiment d'avoir été supérieurs à leurs adversaires. «On a fait notre meilleur match du tournoi», avançait d'ailleurs à la fin de la rencontre le jeune ouvreur Romain Ntamack, du haut de ses 20 ans et de ses 12 sélections. «On méritait d'aller plus loin», approuvait le 3e ligne Louis Picamoles.

Même Warren Gatland, le très classieux sélectionneur néo-zélandais du pays de Galles, l'a concédé : «La meilleure équipe a perdu.» Ancien sélectionneur des Bleus, qu'il avait menés jusqu'en finale du Mondial 1999, Jean-Claude Skrela n'est pas d'accord : «La meilleure équipe est celle qui sait prendre les bonnes décisions dans les moments clés, et les Bleus ne l'ont pas fait dans cette rencontre.»

Coup de coude 

Alors évidemment, le carton rouge de Sébastien Vahaamahina à la 49e minute pour un coup de coude stupide sur le 3e ligne gallois Aaron Wainwright arrive en tête de liste des explications de la défaite. Mais même à 14 contre 15, les Bleus ne se sont pas désunis, bien au contraire. C'est l'accumulation de mauvais choix qui a fini par leur coûter la qualification. «Ils ont payé en quart de finale ce qui leur est arrivé lors du premier tour, voire les mois précédents. Il n'y a qu'en maîtrisant son sujet qu'on acquiert la confiance nécessaire lors des matchs couperets où les décisions se prennent dans un contexte d'intensité maximale», avance Skrela. Trop souvent fébrile au Japon, notamment lors du premier tour face à l'Argentine (23-21), les Etats-Unis (33-9) et les Tonga (23-21), la France a fini par payer son inconstance chronique. «Les Bleus n'ont pas gagné assez de matchs de haut niveau pour pouvoir être lucides dans les grands rendez-vous», insiste l'ancien technicien. Et ce revers d'un souffle vient s'ajouter à la longue liste des déceptions du XV de France depuis la précédente Coupe du monde.

Malgré 16 points d'avance face à ces mêmes Gallois lors du dernier Tournoi des six nations, le XV tricolore n'avait-il pas fini par s'incliner (24-19) ? «C'est toujours pareil, fulminait Camille Lopez dans les entrailles du stade d'Oita. Ce match, c'était impossible de le perdre, mais à la fin, c'est ce qui s'est produit. On avait pourtant toutes les cartes en main.» C'est forcément un constat d'échec pour Jacques Brunel, fataliste : «On avait l'ambition d'aller plus loin. Même si personne ne nous voyait sortir de la poule, on a montré qu'on pouvait gagner ce quart de finale. Mais on n'y est pas parvenu…» Le sélectionneur, intronisé à la va-vite début 2018 en remplacement de Guy Novès, n'a jamais réussi à inverser la dynamique négative des Bleus. Capitaine sous l'égide des deux derniers sélectionneurs, Guilhem Guirado (73 sélections) symbolise une génération qui n'aura jamais réussi à briller sous le maillot bleu. Lucide, il espère que la France «a mangé son pain noir avec ces défaites de justesse et douloureuses».

Face au pays de Galles, le talonneur disputait son dernier match international, à 33 ans, tout comme Louis Picamoles. En attendant de connaître les destins de l'ailier Yoann Huget et de l'arrière Maxime Médard, c'est donc la fin d'un cycle pour le XV de France, d'autant que Jacques Brunel va laisser la main à Fabien Galthié, qui avait intégré le staff des Bleus juste avant la Coupe du monde. Le futur ex-sélectionneur veut croire à un avenir meilleur : «Quelque chose s'est créé avec cette équipe. C'était l'une des plus jeunes de la compétition. Certains vont apprendre à grandir à travers cet échec. Moi, j'envisage de beaux lendemains pour eux.»

Joueurs talentueux

«L'adjoint comme les autres» de Brunel va donc bientôt prendre ses fonctions, et il a pu observer de très près ce groupe de 31 joueurs depuis le début de la préparation, en juillet. Certains devraient faire partie de la future ossature du XV de France. On pense au pilier Jefferson Poirot (26 ans), aux 3es lignes Charles Ollivon (26 ans) et Grégory Alldritt (22 ans), à la charnière toulousaine composée d'Antoine Dupont (22 ans) et Romain Ntamack. Sans oublier l'ailier Damian Penaud (23 ans) et les centres Virimi Vakatawa (27 ans) et Gaël Fickou (25 ans).

Des joueurs talentueux qui pourraient bientôt être rejoints par certains recalés du Mondial (le 3e ligne toulousain François Cros ?) ou des récents champions du monde des moins de 20 ans (le demi d'ouverture Louis Carbonel ?). Peu importe les noms, il faudra «faire en sorte de les faire jouer le plus possible dans leurs clubs respectifs, qu'ils accumulent de l'expérience et développent leur potentiel», espère Jean-Claude Skrela. L'ancien sélectionneur rêve aussi que le rugby tricolore dans son ensemble «s'engage derrière son futur sélectionneur et le XV de France». Le chantier est considérable pour Fabien Galthié. Car dans quatre ans, la Coupe du monde aura lieu à domicile, avec sans doute d'autres attentes pour le public français.