Chaque samedi avec RetroNews, le site de presse de la BNF, retour sur une histoire de sport telle que l'a racontée la presse française de l'époque. Ce samedi, alors que se déroule à Valence le dernier grand prix de Moto GP de la saison, Libération revient sur la naissance des compétitions de motocyclettes.
La «bicyclette à pétrole» voire «cyclette automobile» puis la «motocyclette» et, enfin, la «moto». L'histoire des deux-roues motorisés, ou du moins ses premières mentions dans la presse, démarre à la fin du XIXe siècle. Dans le Journal des débats politiques et littéraires du 24 octobre 1894, on évoque ainsi «la bicyclette à pétrole», qui «vient de faire son apparition». «C'est en Allemagne, à Munich, qu'on en a eu l'idée. Nous avions déjà le tricycle à pétrole. […] La bicyclette à pétrole rencontrera-t-elle plus de succès ? Cela nous paraîtrait tout à fait extraordinaire.» On la présente alors comme le nouveau vélo, qui n'aurait que des avantages, du moins utilitaires : la question de la pollution ne se posait pas encore à l'époque. «Du moment, en effet, que l'on renonce au côté sportif du vélocipède, écrit le quotidien, c'est-à-dire à l'effort dans un but hygiénique et amusant, nous ne voyons pas bien pourquoi de deux instruments on préférerait le moins commode et le moins sûr.»
Face à cette bicyclette à pétrole allemande (en vente dans le commerce selon une publicité recensée dans le Petit Journal de cette année-là), l'Echo de Paris du 27 octobre 1894 est «heureux d'annoncer» à ses lecteurs que «loin d'être en retard sur nos voisins d'outre-Rhin, l'industrie française est plutôt en avance, car une de nos grandes maisons de cycles va prochainement lancer sur le marché une bicyclette à moteur». S'agit-il du constructeur Félix Millet, qui bricole depuis plusieurs années à l'époque un moteur rotatif 5 cylindres en étoile sur des tricycles ou des bicyclettes, inventant là l'une des premières motos ? On ne sait pas vraiment, puisque «la nécessité de brevets à prendre par la maison française nous empêche aujourd'hui de donner des renseignements plus détaillés sur cette nouvelle invention», dit le journal.
Les premières courses de moto, au milieu des autos
Les premières traces d'une course de bicyclettes à pétrole dans la presse datent, elles, de l'année suivante, en Italie. «Une course d'automobile a eu lieu la semaine dernière de Turin à Asti (Italie), sur la distance de 57 kilomètres, raconte ainsi le Journal du 4 juin 1895. Elle a été gagnée par deux bicyclettes à pétrole construites par la Société des véhicules à moteurs. […] Les deux bicyclettes à pétrole ont fait le trajet en 2 heures 30, malgré des routes montueuses et avec 20 kilomètres de boue gluante, précédant de trois quarts d'heure la première voiture automobile, du système "Daimley" (sic).»
Ainsi, ce sont au sein des premières courses automobiles, les «voitures sans chevaux» comme elles étaient appelées à l'époque, que concourent à leurs débuts les motos. En France, on trouve pas moins de cinq bicyclettes à pétrole dans la course Paris-Bordeaux-Paris en juin 1895, souvent considérée comme la véritable première grande course automobile de l'histoire, ainsi que le mentionne le Constitutionnel du 9 juin.
Parmi ces bicyclettes à pétrole, celle de Félix Millet «qui se distingue, paraît-il, par la grande douceur de son roulement dû à la continuité d'action de son moteur», écrit le Monde illustré du 1er juin 1895, au-dessus d'une illustration de l'invention du Français. Sa bécane ne dépassera cependant pas Orléans.
La première coupe internationale, date de naissance de la motocyclette
En 1904, le Motocycle Club de France organise la première coupe internationale des motocyclettes, du côté de Dourdan dans l'Essonne. On la retrouve ainsi en une de la Vie au grand air le 15 septembre de cette année-là, à l'occasion des «éliminatoires françaises».
L'Auto du 22 septembre annonce la course finale de cette coupe internationale, qui se tiendra trois jours plus tard et qui regroupe cinq pays : la France, l'Angleterre, l'Allemagne, le Danemark et l'Autriche. «Dès la première année, le Motorcycle Club de France a réussi, à force de travail et de persévérance à réaliser le tour de force qui consiste à mettre sur pied une course importante et à remporter un réel succès. Toute la presse sportive européenne attend avec impatience les résultats de cette épreuve qui doit affirmer en quelque sorte la suprématie de l'industrie motocycliste, et, nous n'avons qu'un regret, c'est de constater l'absence des Belges et des Italiens, qui eussent ajouté un intérêt encore plus puissant à l'épreuve.»
Le 25 septembre, date de cette première coupe internationale fut-elle ainsi la date de naissance du sport motocycliste ? C'est ce que pense le journal le XIXe Siècle, annonçant l'événement : «Un sport nouveau vint à naître - celui de la motocyclette, l'automobile du pauvre, comme on s'est plu à l'appeler tout d'abord - bien qu'il fût nécessaire que ces pauvres possédassent le billet de mille, prix d'achat approximatif de la machine rêvée - et l'on pensa qu'il était utile de créer un challenge spécial pour cette catégorie de véhicules dont la vogue croît de jour en jour.» C'est le Français Léon Demeester qui remporte ces premiers championnats du monde officieux. Mais l'organisation ne plaît pas à tout le monde, si bien que les cinq pays participants se réunissent trois mois plus tard, en décembre 1904, pour créer une fédération, la Fédération internationale des clubs motocyclistes (FICM), qui deviendra par la suite la FIM (Fédération internationale de motocyclisme), et qui est, encore aujourd'hui, l'instance mondiale régissant le sport motocycliste.
Suite et fin de l'histoire. Dimanche, comme chaque année depuis dix-sept ans, le Grand Prix de Valence marquera la fin de la saison de Moto GP, la compétition reine de la FIM depuis plus de soixante-dix ans. L'Espagnol Marc Márquez a d'ores et déjà été sacré champion après avoir survolé la saison, son sixième titre à 26 ans. Les véhicules, eux, ont bien évolué en un siècle : les bécanes en compétition en Moto GP peuvent atteindre les 350 km/h, comme ce fut le cas l'an dernier sur les circuits de Losail (Qatar) ou Mugello (Italie). Loin devant les bicyclettes à pétrole de la fin du XIXe siècle.