Il débarque dans le hall du Bristol avec la démarche du marin ayant tout juste troqué l'écume pour la terre ferme. Et l'air hébété du coureur océanique contraint, à l'arrivée d'une course, de plonger à peine dessalé dans les bavasseries médiatiques. De la Polynésie, où il habite, à Paris, il y a douze heures de décalage. Un temps que l'insomniaque efface d'un sourire, soulignant que, malgré les fuseaux horaires alignés serrés, il demeure ponctuel. Vêtu d'une chemise en jean à poche récalcitrante, il expédie la séance photo et commente : «Il faut savoir faire court. Quand le type commence à vouloir me faire prendre des poses de couturier qui aurait vu un rat…»
Olivier de Kersauson est un homme peu banal. Il a en lui des siècles de courtoisie aristo et du revêche flamboyant, du loubard élimé et du réflexif à outrance. S’il clame haut et fort qu’il aurait pu mal tourner et devenir intello, on perçoit vite que le doux clapotis de sa pensée ne lui déplaît pas, qu’il s’amuse de ses vannes de bistrot et se réjouit de ses fulgurances poétiques.
Partie à la rencontre d’une misanthropie tranchante, on se retrouve face à un septuagénaire charmeur et charmant. Alors on jette d’un geste ample et lent notre filet et on observe. On le laisse partir loin et revenir glouton. De toute façon, on sait que celui qui ne navigue plus à la voile mais appâte espadons et barracudas dans les Tuamotu passera si besoin au travers des maillages.
Tignasse mal domptée et sourcils broussailleux, il ti