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Escalade

Tokyo 2020 : l’ascension des frères Mawem

Les deux grimpeurs sont qualifiés pour les prochains JO. Compétitifs, avec une image très travaillée, Mickael et Bassa sont devenus les fers de lance français de la discipline.
Grâce à sa première place en vitesse, Bassa Mawem s’est qualifié pour les JO. (Photo Ulrich Lebeuf. Myop pour Libération)
publié le 1er décembre 2019 à 20h46

Subitement, un doute l'a agrippé à pleine poigne. Mickael Mawem a beau avoir une confiance titanesque, il a vu son récit, façonné deux ans durant à coups d'interviews et de vidéos sur Instagram, ébranlé par une poussière. Un centième de seconde, celui qui permettait à l'Indonésien Alfian Muhammad de dominer à mi-parcours le classement des qualifications de la vitesse, lors du tournoi de qualification olympique (TQO) de Tournefeuille (Haute-Garonne), aux dépens de son frère Bassa. «J'ai vu son regard, je me suis dit que ça allait être compliqué…»

Mais le grand frère, 35 ans, routier du circuit, a repris les rênes comme il sait le faire, tout en puissance, le corps mangeant la paroi, les phalanges arrachant les prises. Affaire pliée : Bassa Mawem est en finale du TQO, et le tandem décroche les deux seules places qualificatives pour la grimpe masculine française aux Jeux olympiques de Tokyo.

«Monstres de travail»

Les frères détonnent. Leur air cool masque une ambition dévorante, qui sidère jusque dans le milieu. «Les Mawem, ils sont incroyables, ce sont des monstres de travail. Il y a deux ans, ils ont eu le cran d'annoncer qu'ils iraient tous les deux aux JO, chose quasi insensée tant les conditions n'étaient pas favorables. Et ils l'ont fait», commente un coach d'une grimpeuse de l'équipe de France. «Dès le premier jour où on a su pour l'escalade aux Jeux, on a préparé l'affiche, "les Mawem à Tokyo"», se remémore Mickael, 29 ans, qui a tamponné son billet lors des championnats du monde de combiné d'août, au Japon, et décroché le titre de champion d'Europe de bloc en septembre, alors que peu misaient sur lui après un début de saison décevant.

C'est en Alsace, à Huningue, aux confins de la Suisse et de l'Allemagne, «sur un mur extérieur en béton, dans ce qu'on appelle le Parc des eaux vives», que la connexion sportive s'est forgée. Bassa, qui a commencé l'escalade sur le tard, à 15 ans, fait découvrir le sport à Mickael. «Comme je dis souvent, j'ai accroché tout de suite», plaisante ce dernier. L'un et l'autre s'assurent : «Depuis le début, l'escalade, on le fait à deux.»

«Objectif commun»

Au fil des années, ils affûtent leurs ambitions. «Au-delà du lien familial, on a les mêmes projets», pose Bassa, qui se spécialise en vitesse, quand son frère, plus petit et félin, vient naturellement au bloc. Dans un sport où il est courant de voir débouler les surdoués l'acné encore agrafée au visage, les deux frères construisent, peu à peu. «Notre premier objectif commun, c'était l'équipe de France», dit Bassa. Lui la rejoindra en 2011, son frère en 2014, et ensemble ils en deviendront les fers de lance et les figures bankable.

«On a été élevés comme ça : si on veut faire quelque chose, soit, mais il faut le faire à fond, poursuit Mickael. Si demain j'arrête l'escalade et que je fais du ping-pong, je veux faire de la compétition, arriver au plus haut niveau.» Une vision qui les tient éloignés de la grimpe en falaise, dont l'esprit est contraire à l'aspect compétitif.

Depuis 2016, Bassa s'entraîne en Nouvelle-Calédonie, où il dirige l'équipe technique régionale, quand Mickael grimpe au pôle de préparation olympique de Voiron (Isère). «Chaque jour, on passe des heures au téléphone», l'un coachant l'autre, et inversement. Très vite vient cette impression : parler aux frères Mawem, c'est souvent prendre les mêmes réponses en ricochet. Mickael : «Moi, je suis plus du genre à me laisser porter, mon frangin me recadre.» Bassa : «Micka me pousse. S'il n'était pas là, j'aurais arrêté depuis longtemps, c'est sûr. Pour prendre des vacances, manger normalement, boire des bières…» Pour ça, il faudra désormais attendre août 2020.