Championnes d'Europe et tenantes du titre, les Bleues ont quitté le Mondial japonais vendredi dès le premier tour après un revers (18-20) indiscutable devant les Danoises à Kumamoto. On conservera de cette cinglante sortie de route (défaite d'entrée contre la sélection sud-coréenne, nul contre le faible Brésil) le souvenir de deux temps morts étranges, les deux derniers de la rude partie de manivelle – une «boucherie», avait annoncé l'arrière française Orlane Kanor – finale face aux Nordiques. 50e minute, la star danoise Stig Jorgensen (6-8 au tir) termine sa séance de ball-trap dans l'euphorie et les Tricolores sont au bord du gouffre (-2) quand leur sélectionneur, Olivier Krumbholz, commande un temps mort. Où il ne dit pratiquement rien : entre la résignation et autre chose.
Mais quoi ? Le terrain a dit ceci : les deux mi-temps se sont achevées avec un trio d’arrières composé de Kanor (22 ans), Méline Nocandy (21 ans) et Océane Sertien-Ugolin (21 ans) ; un sommet d’inexpérience envoyé au feu par Krumbholz dans les moments les plus cruciaux pour sauver une équipe qui s’est pourtant couverte de gloire depuis quatre ans, ramassant des médailles dans toutes les compétitions ou presque. Le message de l’entraîneur est simple : les cadres ont failli, ou certaines d’entre elles. Dès le nul (19-19) face au Brésil, Krumbholz avait envoyé l’arrière française Camille Ayglon en tribune pendant les matchs, 34 ans et 270 sélections : la prise en compte d’un déclin sportif autant qu’une manière de réveiller les autres, le timing interrogeant tout de même puisque l’apport offensif de la joueuse était depuis longtemps réduit à presque rien.
Usure
Le second temps mort de vendredi, enfin : celui-là est commandé par le sélectionneur danois, le nul qualifiant les Bleues est encore à portée de main (-1, 30 secondes à jouer mais ballon pour l'adversaire) et là, Krumbholz ne dit plus rien du tout. Allison Pineau évoque alors la possibilité pour les Danoises de sortir leur gardienne, ce qui leur donnerait une solution de passe supplémentaire : c'est tout juste si l'entraîneur écoute, «bah… oui, peut-être…» Tout ceci pour dire qu'au Japon, le staff tricolore n'était pas tout à fait là.
Il regardait ailleurs. Vers un titre olympique en août, seule consécration après lequel court encore le handball féminin français ? Sur le déclin de Pineau, Ayglon et Alexandra Lacrabère ? Sur l’étrange méforme d’Estelle Nze Minko, pourtant étincelante avec son club hongrois de Györ ? Ou sur les jeunes, appelées à prendre leur place dans une généalogie lourde à porter ? Ce match, les Danoises ont beaucoup fait pour le donner aux tricolores : maladresse initiale, épuisement palpable lors du dernier quart de la rencontre, expulsions de deux minutes à répétition alors que les Françaises étaient dans les choux… Même comme ça, ce n’est pas passé. On peut voir le verre à moitié plein : Krumbholz décide désormais d’un levier (ce revers) pour réveiller ses joueuses et remettre les têtes à l’endroit. Ou à moitié vide : peut-être que l’usure touche aussi le staff et que certaines joueuses ne sont plus capables de pousser jusqu’à un titre olympique. La suite vaudra le coup d’œil.