Quoi de neuf sur le front du Paris-Saint-Germain, qui recevra dimanche (21 heures sur Canal +) les mains en haut du guidon (sept points d'avance sur son dauphin marseillais, un match en moins) l'AS Monaco pour le compte de la 20e journée de L1 ? Le club lance un jus de poire bio, comme l'Olympique lyonnais a hébergé des ruches. Et l'herbe ne repousse plus après le passage de l'équipe première : entre quatre et six buts par rencontre lors des six derniers matchs, deux scores de tennis - 6-1 devant l'AS Saint-Etienne en Coupe de la Ligue mercredi, 6-0 à Bondoufle (Essonne) contre Linas-Monthléry en Coupe de France dimanche, et sans forcer encore.
Equilibre. Sur les ailes (sauf à Bondoufle) d'un quatuor offensif de superstars : Kylian Mbappé, Mauro Icardi, Neymar et Angel Di Maria. Le 30 novembre, l'entraîneur allemand du club, Thomas Tuchel, écartait pourtant devant les micros l'idée même d'une cohabitation entre les quatre attaquants : «Je suis convaincu que ce n'est pas possible», une affaire d'équilibre défensif puisque la présence simultanée de ceux-là enlève mécaniquement un milieu de terrain - deux au lieu de trois, du coup, le manque d'appétit de Mbappé, Neymar ou encore Icardi pour le replacement et la récupération du ballon étant une circonstance aggravante. Deux semaines plus tard, Tuchel se contredisait en lançant les quatre hommes au coup d'envoi à Saint-Etienne (4-0). Depuis, c'est comme si l'équipe jouait trois fois plus vite, courrait trois fois plus vite, décidait trois fois plus vite ; le fin du fin semblant d'assurer une dernière passe fixant le gardien adverse pour permettre au copain de glisser le ballon dans le but vide, gourmandise collective traduisant à la fois la supériorité et la pleine conscience de celle-ci.
Prompt à raconter l'histoire tout en ne laissant à personne d'autre que lui-même le soin d'en tirer les conclusions, Mbappé s'est exprimé mercredi : «Il y a eu, je pense, une prise de conscience que ce n'était pas suffisant pour des joueurs de ce niveau-là [les quatre de devant, ndlr] de faire aussi peu d'efforts. Je ne vais pas dire que c'est parfait mais on est beaucoup mieux [dans les efforts défensifs] et ça soulage les joueurs qui évoluent derrière nous [les milieux et défenseurs], qui sont donc plus frais pour nous donner de meilleurs ballons. C'est donnant-donnant. Ce n'est pas une question de système : même à trois devant, on se doit de faire les efforts. Ce n'était pas suffisant. On a la télé, on voit les matchs. Ce n'est pas non plus l'Amérique, mais c'est mieux. Derrière, ils ont moins à courir à notre place car on fait notre travail.» Puis : «Pas mal de joueurs ont eu des pépins physiques : moi, Neymar… On se sent de mieux en mieux physiquement. Oui, j'ai vu Neymar tacler [pour récupérer le ballon]. Quand on parle de prise de conscience, voilà : Neymar qui tacle, ça parle à tout le monde.»
On flaire une réalité iridescente et complexe. Ce qui est clair : quand Tuchel parlait d’impossibilité, il ne s’adressait pas à la presse mais à ses attaquants, manière de les mettre en demeure de lui prouver le contraire. Comme à son habitude, Mbappé parle des autres plutôt que de lui : une façon de surplomber le débat et de faire reposer la responsabilité des changements sur d’autres - Neymar, en fait.
Le Brésilien est à la relance : ses velléités de départ sont connues, il est sous surveillance - public, direction, coéquipiers - et il le sait, d’où l’intérêt de montrer qu’il pense aux copains. Le genre de calcul que Di Maria a dans le sang : Tuchel l’ayant sanctuarisé dès son arrivée à Paris en juillet 2018, «El Fideo» doit rendre, une reconnaissance du ventre figurant à la fois dans les codes de son milieu et dans la vision du professionnalisme d’un type qui s’exile à 20 ans pour nourrir les siens.
Style suave. Quant à Mauro Icardi, il vient d'arriver en prêt avec une option d'achat (en juin) à 70 millions : les quelques interviews qu'il a données depuis août montre qu'il nage très, très près du bord - pas de vague. Sur le terrain : du plaisir même au Mans par - 2°C un mercredi soir de décembre en Coupe de la Ligue (4-1), des sourires, des ballons partagés. Si la première vague de joueurs amenés par les capitaux qataris (Zlatan Ibrahimovic, Thiago Silva, Alex, Thiago Motta, Ezequiel Lavezzi…) avait installé l'idée que le très haut niveau était affaire de dureté mentale et physique, ceux-là déroulent un style suave, tout en rapidité et en maîtrise technique.
En dehors : une paix sociale parmi les stars (un joueur aligné au coup d’envoi est un joueur heureux) et si les éléments défensifs se méfient forcément des belles résolutions de Neymar et consorts, le barycentre du pouvoir penche tellement vers les attaquants dans le vestiaire parisien que Tuchel ou son directeur sportif Leonardo peuvent toujours faire mine de ne pas entendre. Par ailleurs, on imagine Doha et les VIP remplissant les loges les soirs de matchs ravis devant le spectacle offert depuis trois semaines.
Fragilité. Bref : plein soleil. On renoue avec une idée ancienne : un club-vitrine, tout en brillant, vivant dans l'instant («si on peut en mettre 10, on en met 10», a lâché Tuchel à ses joueurs lors d'une mi-temps) et la joie les mois interminables qui séparent le début de saison des véritables échéances sportives : les matchs par élimination directe de Ligue des champions, à commencer par la double confrontation (aller le 18 février, retour le 11 mars) contre le Borussia Dortmund de Lucien Favre en huitièmes de finale. Si ça n'annonce pas les grands soirs européens puisque l'idée de fragilité demeure, ça ne gâche rien non plus. Un peu comme la production du jus de poire bio, en fait.