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Analyse

Tournoi des six nations : et si l’Italie était bottée en touche ?

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La Squadra, que l’équipe de France rencontre dimanche, n’a pas gagné un match depuis cinq ans. Beaucoup estiment qu’elle n’a plus sa place dans la compétition.
Match pays de Galles-Italie, le 1er février à Cardiff. La Squadra s’est inclinée 42 à 0. (Photo Rebecca Naden. AL. Reuteurs. Panoramic)
publié le 7 février 2020 à 19h16

Si la logique sportive est respectée, la France pourrait basculer en tête du Tournoi des six nations au terme de la deuxième journée, qui se déroule ce week-end. Mais, sans préjuger de l’avenir, une certitude déjà : les Bleus ont plus que réussi leur entame, en domptant, dimanche dernier au Stade de France, l’Angleterre, encore groggy de sa défaite en finale de la Coupe du monde, qui imaginait un peu trop vite - et trop fort - se refaire la cerise face à un XV de France new look, rajeuni et plutôt inexpérimenté. A l’inverse, le score final (24-17) a révélé une spectaculaire embellie tricolore dont n’a légitimement pas manqué de se flatter le nouveau staff, Fabien Galthié en tête.

Conformément à l'adage «qui peut le plus…», nul ne songerait un instant voir ces mêmes Bleus trébucher dimanche au Stade de France, contre l'Italie (France 2, 16 heures). Personne, du reste, n'imagine plus échouer contre cette équipe. Et c'est un peu là le problème. Les Transalpins croupissent dans une compétition où beaucoup estiment qu'ils n'ont plus leur place et qu'ils pourraient être avantageusement remplacés par les Géorgiens. Mais ces derniers présentent le défaut rédhibitoire d'être moins bankable.

Bérézina

Cinq ans que les Italiens n'ont plus gagné un match dans un tournoi où leurs défaites prennent souvent des allures de bérézina, comme il y a une semaine à Cardiff, où le pays de Galles a signé un 42-0 sans se surpasser pour autant. Après avoir longtemps ânonné ce respect dû à «une équipe en progrès dont il faut se méfier», ses adversaires se préoccupent avant tout de savoir s'ils parviendront à inscrire au moins quatre essais, synonymes du point de bonus offensif.

L'Italie a rallié le gotha européen en 2000 avec, en cadeau de baptême, un succès contre l'Ecosse. Mais, vingt ans plus tard, à une poignée d'illusions près (dont deux victoires contre la France, alors au fond du trou, en 2011 et 2013), le solde négatif confine à la banqueroute. «Il y a dix ans, nous croyions encore que le rugby pouvait devenir une alternative au foot en matière de popularité : ce sport avait une excellente image, les mamans emmenaient leurs enfants au stade, les sponsors suivaient, et jusqu'à 4 millions de téléspectateurs, contre 600 000 ou 700 000 aujourd'hui, regardaient les matchs internationaux alors retransmis par la RAI», se souvient Massimo Calandri, journaliste à La Repubblica et ex-joueur de première division. «Le rugby italien a par la suite continué d'avancer à petits pas, tant au niveau technique que structurel, quand les grandes nations européennes, elles, se développaient à vitesse grand V», analyse-t-il.

A qui la faute ? Manque de résultats sur le terrain, d’investissements judicieux, de monde dans les tribunes où la culture club ne prend pas. Les matchs de l’Eccellenza, l’équivalent du Top 14, attirent quelques centaines de spectateurs et même les deux franchises, le Benetton Trévise et Zebre, qui ont intégré le Pro 14 aux côtés d’équipes irlandaises, écossaises, galloises et sud-africaines, ne déchaînent pas les passions.

Un malheur n'arrivant jamais seul, Sergio Parisse, leader ultracharismatique de la sélection, a décidé d'arrêter cette année. Véritable arbre (format séquoia) qui cachait la forêt, le troisième ligne toulonnais, qui a choisi de faire l'impasse sur les matchs à l'extérieur, tirera sa révérence à Rome, contre l'Ecosse et /ou l'Angleterre. Orpheline de son capitaine historique aux 142 sélections, la Squadra Azzura va en baver un peu plus. «Longtemps, développe Massimo Calandri, l'Italie a profité de joueurs originaires d'Argentine, comme Parisse, mais aussi Gonzalo Canale, Martin Castrogiovanni, Carlos Nieto et bien sûr Diego Domínguez, le meilleur réalisateur de son histoire. Mais la filière s'est tarie après que le rugby s'est développé là-bas et les joueurs aux autres racines étrangères [5 sur 15 au coup d'envoi à Cardiff, ndlr], d'Afrique du Sud ou d'Angleterre par exemple, n'ont pas le même niveau.»

«Marasme»

Pas plus que les purs produits locaux, en dépit du fait que les moins de 20 ans se comportent fort honorablement à l'échelon international (ils viennent de battre Galles). «Voici encore trois ou quatre ans, on a cru voir une génération prometteuse arriver. Et il n'y a pas eu de traduction concrète», déplore le Français Aristide Barraud, qui s'est illustré de 2013 à 2015 dans l'élite italienne, à Piacenza et Mogliano. L'ex-demi de mêlée ou ouvreur expliquant ceci par cela : «Le rugby italien se caractérise par son incapacité à définir une ligne directrice et à s'y tenir, au-delà du court terme. Une idée chasse l'autre et ce marasme imputable aux dirigeants avec, en particulier, un président de Fédération [Alfredo Gavazzi] très contesté, voire détesté et jamais loin du conflit d'intérêts, dont le bilan est un échec.»

Habituée à remettre les clés de la voiture-balai à des techniciens étrangers (le Français Jacques Brunel, l’Irlandais Conor O’Shea…), l’Italie mise désormais sur le Sud-Africain Franco Smith. «Un choix judicieux», selon Massimo Calandri, qui note que cet ancien demi d’ouverture international «connaît bien le rugby transalpin pour avoir jadis joué à Bologne et au Benetton Trévise, puis coaché avec succès ce dernier club, de 2007 à 2013». De là à faire des miracles…