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Biathlon : Johannes Bø, formidable homme des neiges

Tenant du titre de la Coupe du monde, la star norvégienne du biathlon est très attendue aux Mondiaux d’Antholz-Anterselva, en Italie, qui ont débuté ce jeudi, un mois jour pour jour après la naissance de son fils.
Johannes Thingnes Bø, jeudi. (Photo Leonhard Foeger. Reuters)
par Romain Bouvet
publié le 14 février 2020 à 7h32

Le sport se lasse des athlètes monarques absolus. Il lui faut du piment, des duels. Qu’auraient été Anquetil sans Poulidor, Prost sans Senna, Federer sans Nadal ? Longtemps sans rival dans le biathlon, Martin Fourcade bataille depuis deux ans avec Johannes Thingnes Bø. Le Norvégien est l’homme qui a mis fin à l’ultradomination du quintuple champion olympique. Si la saison 2017-2018 s’est résumée à un mano a mano entre les deux hommes, le Français arrachant sa septième Coupe du monde de rang, avec 89 petits points d’avance sur son rival, l’édition suivante a été dominée par le Norvégien. Ecrasée même, tant le cadet des frères Bø s’est montré intouchable, réalisant le Grand chelem du biathlon : classement général de la Coupe du monde et vainqueur du globe de cristal dans les quatre spécialités (individuel, sprint, poursuite et mass-start), au terme d’une saison où il a compilé 16 victoires. Record de Martin Fourcace (14) battu. Les championnats du monde qui se sont ouverts ce jeudi à Antholz-Anterselva (Italie) devraient proposer un nouvel épisode du match Fourcade-Bø. Le Norvégien a tiré le premier. Son équipe a remporté le relais mixte, loin devant la France, décevante 7e.

Retour gagnant

Le natif de Stryn, à l'ouest de la Norvège, a attaqué l'hiver 2019-2020 comme il a terminé le précédent, sur les chapeaux de roues. Il s'est imposé cinq fois sur les sept premières épreuves individuelles de la saison. Mais au terme d'une année 2019 pleine, le tenant du titre de la Coupe du monde s'est retiré de la compétition pour assister à la naissance de son fils Gustav, né le 13 janvier. Il a fait son retour en compétition le 23 janvier à Pokljuka (Slovénie), dernier rendez-vous avant les Mondiaux, après un mois d'absence. Bilan : une victoire sur l'individuel et une troisième place sur la mass-start. Un retour tonitruant qui impressionne Lionel Laurent, membre du staff de l'équipe de France. «Il m'a bluffé. J'étais étonné qu'il revienne si vite après un mois sans compétition. Ça prouve qu'il est extrêmement fort.»

Le technicien français est impressionné par les qualités physiques du Norvégien : «Il va très vite sur les skis.» Un avantage que confirme Kurt Haugli, journaliste sportif pour le quotidien norvégien Aftenposten : «Johannes a un physique énorme. Il est capable d'endurer de très gros entraînements, en plus des compétitions et des nombreux déplacements. Il n'est pratiquement jamais malade ni blessé, à la différence de son frère qui a souvent eu des saisons gâchées à cause de ça.»

Calculateur

S'il pêchait parfois au tir lors des saisons précédentes, il joue désormais à armes égales avec les meilleurs dans le domaine. Il affiche un ratio de 90 % de réussite cette année, contre 85 % lors des deux derniers exercices. C'est moins bien que Martin Fourcade (92 %), mais ça correspond au niveau de performance du Français, quand il dominait le circuit sans partage, lors des saisons 2016-2017 et 2017-2018. Si son point faible «reste le tir debout», selon Lionel Laurent, là aussi il a énormément progressé : depuis la saison dernière, il est passé de 78 % de réussite à 90 %. Des performances qui peuvent s'expliquer par la personnalité de Bø. «C'est un athlète froid et très calculateur, analyse Kurt Haugli. Là où son frère Tarjei peut parfois être fougueux, Johannes garde son calme.»

Bien entouré

Sa force vient aussi de son entourage selon le journaliste spécialiste du biathlon. «Je pense que le fait qu'il soit un athlète très équilibré est également lié à sa vie privée. Il s'est marié en 2018 avec celle qu'il appelle l'amour de sa vie. Il dit qu'avoir une famille est une grande source d'inspiration.» Sa sérénité est aussi soulignée par le staff de l'équipe de Norvège. «Per Arne Botnan, le manager de l'équipe nationale, l'a suivi pendant toute sa carrière. Pour lui, Johannes est beaucoup plus mature maintenant.»

Tenant du titre de l’épreuve de sprint, Johannes Bø peut espérer une moisson de médaille en Italie. Associé entre autres à son frère, il a décroché la première jeudi sous les yeux bienveillants de leurs parents. «C’est une famille très terre à terre. Leurs parents leur ont appris à aimer le sport et le grand air, sans jamais les pousser à la victoire, assure Kurt Haugli. Leur mère, Aslaug, dit toujours : « C’est amusant quand ils gagnent, mais le plus important est qu’ils se comportent comme de bonnes personnes ».»