Chaque semaine avec RetroNews, le site de presse de la BNF, retour sur une histoire de sport telle que l’a racontée la presse de l’époque. Ce samedi : du ski militaire au biathlon, alors que s’achèvent ce week-end les championnats du monde de la discipline.
Le 10 mars 1904, la Vie au grand air se félicite que les chasseurs se mettent enfin au ski. Particulièrement ceux du 159e, qui sous l'impulsion du capitaine Bernard ont effectué des trajets de 50 à 60 kilomètres avec passage de cols compris entre 2 000 et 2 400 mètres.
Trois ans plus tard, le 23 février 1907, le même journal rend compte du tournoi organisé par le Club alpin français qui «intronise définitivement dans l'armée française l'usage du ski». Le journal anticipe que le ministre de la Guerre le rendra très prochainement obligatoire dans les corps alpins. Des photos montrent des soldats français et italiens skis au pied et fusil en bandoulière.
En 1924, la patrouille militaire est inscrite au programme des premiers JO d'hiver, à Chamonix en tant que sport officiel – la discipline sera rétrogradée au rang de sport de démonstration en 1928, 1936 et 1948. L'équipe suisse s'impose comme le raconte l'Excelsior du 31 janvier 1924, photos à l'appui. «Les concurrents représentaient l'artillerie de montagne tchécoslovaque, l'infanterie finlandaise, la compagnie des guides suisses, l'infanterie polonaise, les bataillons alpins italiens et français.» L'épreuve s'est déroulée sur un parcours de 35 km, elle comprenait également un concours de tir, «chaque soldat tirant six balles, et chaque balle mise dans la cible améliorant le temps de l'équipe de trente secondes».
L'Excelsior du 25 février 1935 revient sur les origines du ski militaire : «Lorsque les rigueurs de l'hiver ne sont pas excessives, les bataillons de chasseurs cantonnés dans les régions montagneuses font depuis quelques années des manœuvres en skis. Ces exercices militaires dans la neige étaient déjà exécutés en 1897 si l'on s'en rapporte au témoignage de la Durance, journal publié à Embrun. Au mois de février de cette année particulièrement froide, le lieutenant Widmann, suédois d'origines, s'était engagé dans la légion étrangère et s'était fait naturaliser. Il fit venir de son pays une paire de skis et employa ses loisirs à la pratique de ce nouveau sport. […] Il fallut attendre les années dernières pour assister à des manœuvres plus étudiées et où la stratégie de l'art militaire joue un rôle aussi important que l'escalade elle-même.»
«Les essais entrepris pour une école militaire de ski dans le Moyen-Atlas ayant été satisfaisants, l'autorité militaire vient de décider le fonctionnement permanent de cette école pour sous-officiers et soldats spécialisés dans ce sens», informe l'Excelsior du 13 octobre 1936.
Après la Seconde Guerre mondiale, le kaki du ski militaire se délave. Aux Jeux d’hiver de 1948, à Saint-Moritz (Suisse), se côtoient comme sports de démonstration la traditionnelle patrouille militaire et un nouveau sport, le pentathlon d’hiver, pendant de son homonyme d’été, alliant équitation, escrime, tir, ski de fond et ski alpin. La discipline ne séduit pas vraiment, d’autant qu’elle est rapidement concurrencée par un sport n’alliant que le ski de fond et le tir, particulièrement apprécié dans les pays scandinaves, en Allemagne et en Autriche. Plus facile à organiser que le pentathlon d’hiver, il ensevelit ce dernier sous l’avalanche de sa simplicité. Le «biathlon moderne» naît officiellement en 1955. En 1957, il intègre l’Union internationale de pentathlon moderne ce qui entraîne sa reconnaissance immédiate par le Comité international olympique. Sous cette forme, il connaît ses premiers championnats du monde en 1958 en Autriche et devient olympique deux ans plus tard à Squaw Valley (Etats-Unis) sans repasser par la case sport de démonstration.
En 1966, seize pays participent aux Championnats du monde en Allemagne. Paris-Presse en dresse la liste.
Suite de l'histoire. La discipline va progressivement se moderniser. L'adoption d'un calibre de balles plus petit en 1978 va lui permettre de se démarquer du monde militaire. C'est aussi cette année-là que se tient la première édition de la Coupe du monde masculine. Il faut attendre 1987 pour voir la création de son équivalent féminin.
De nouvelles épreuves vont voir le jour. Le sprint fait son apparition au début des années 1970, au côté de l’individuel, la discipline historique. Deux nouvelles courses sont introduites dans les années 90, la poursuite puis le départ groupé, communément appelé mass start.
Toujours sous la coupe de l’Union internationale de pentathlon moderne, le biathlon va prendre peu à peu son indépendance. L’Union internationale de biathlon est créée en 1993. La séparation officielle entre les deux institutions aura lieu en 1998. La même année, la légende norvégienne Ole Einar Bjørndalen remporte le premier de ses six gros globes de cristal, qui récompense le vainqueur de la Coupe du monde. Sa rivalité intense avec le Français Raphaël Poirée va contribuer à médiatiser ce sport, réservé jusque-là à une minorité de passionnés. Le circuit féminin est écrasé par la Suédoise Magdalena Forsberg qui remportera, elle aussi, six fois le classement général de la Coupe du monde. Petite particularité, elle enlèvera ses six gros globes à la suite, entre 1997 et 2002, un exploit que même le «roi Ole» n’a pas réussi.
Et puis un autre monstre sacré du biathlon fait son apparition. En 2012, le Français Martin Fourcade remporte sa première Coupe du monde. Il triomphera lors des six éditions suivantes. Aux Jeux olympiques de Pyeongchang en 2018, il porte à cinq son nombre de titres olympiques en s’imposant lors de la poursuite, de la mass start et du relais mixte. Il devient ainsi le sportif Français le plus titré des Jeux olympiques, été et hiver confondu. Mercredi, il a décroché son onzième titre mondial, en devenant champion du monde de l’individuel.