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Billet

Huis clos, le foot sans faste

Seuls au Parc pour cause de Covid-19, les joueurs retrouveront l’essence du jeu : 22 types sur un terrain et rien d’autre.
Le stade Borussia à Mönchengladbach. (Photo Ina Fassbender. AFP)
publié le 10 mars 2020 à 18h21

La décision est tombée mardi : sur ordre de la préfecture de police, le match retour des huitièmes de finale de Ligue des champions entre le Paris-SG et le Borussia Dortmund (2-1 pour les Allemands à l’aller) se disputera à huis clos. Le club de la Ruhr ayant reçu devant son public à l’aller, l’équité sportive est bafouée et ça n’a aucune importance au regard des centaines de morts, de la huitième puissance mondiale sous quarantaine ou de la peur qui monte partout. Pour autant, on jouera au football mercredi au Parc des princes et ce n’est pas rien : la futilité du jeu préféré des hommes n’est pas un luxe dans un contexte aussi angoissant.

C'est même un truc à savourer : l'Italie n'en est déjà plus là. Le huis clos : pas de partage ni d'élan commun, quelque chose de la mystique du joueur intégré dans la cité qui flotte dans l'air les soirs de match totalement évanoui. Plus prosaïquement, les circonstances coûteront quelque 5 millions d'euros de recettes «jours de match» au club parisien. Mais ça reste du foot, réduit à son cœur nucléaire : 22 joueurs en même temps sur une pelouse, un ballon et un arbitre. Les micros des télés capteront les mots du terrain comme derrière une main courante : «laisse», «j'ai», «serre» ou «ferme», et il n'est pas interdit de penser que l'imagination des téléspectateurs fera remonter quelques souvenirs, le bruit des crampons qui claquent sur le carrelage et la porte que l'on referme sur un vestiaire maculé de terre et une serviette oubliée.

Le foot a bien des visages : il a aussi celui-là. Durant leurs années de formation, les joueurs ne se sont pas toujours produits devant un public. Depuis, certains ont appris à s’en nourrir, d’autres à faire abstraction, d’autres encore à imaginer un proche (parfois disparu) quelque part dans la tribune : l’absence de décorum, souvent utilisé comme stimulus extérieur, leur suggérera une idée originelle du jeu, l’espace du match comme un monde clos leur appartenant totalement. Bien sûr qu’il n’en est rien : le poids d’un club-Etat pour les Parisiens, celui d’une carrière en pleine ascension pour l’attaquant star de 19 ans du Borussia Dortmund Erling Haaland, et l’ambition sportive bien comprise pour les joueurs des deux camps. Pour autant, le décor suggérera les pulls roulés en boule en guise de poteaux. On confesse être curieux de savoir comment ils s’en débrouilleront.