Menu
Libération
Système D

Sports : dix scénarios (plus ou moins farfelus) pour une fin de saison

Décaler la saison prochaine en février 2021, fusionner le Tour de France avec le Giro et la Vuelta, terminer la NBA aux Bahamas, les suggestions ne manquent pas pour achever l’exercice 2019-2021 malgré l’épidémie de Covid-19.
Au stade du Borussia, à Mönchengladbach, peu avant le match à huis clos contre le FC Cologne le 11 mars. (Wolfgang Rattay/Photo Wolfgang Rattay. Reuters )
publié le 1er avril 2020 à 17h52

Le sport a beau être rentré aux vestiaires pour plusieurs semaines, il n’a pas encore tout perdu. Depuis le début du confinement, de nombreux joueurs, entraîneurs, présidents, dirigeants, rivalisent d’ingéniosité pour proposer des plans B, voire C, afin que les compétitions se terminent malgré tout. Nous en avons recensé dix, plus ou moins sérieuses.

1. Reprendre la compétition en mai pour finir la saison durant l’été

C'est, à ce jour, l'hypothèse la plus courante et privilégiée par les différentes fédérations nationales, avec des souhaits de délais maximums plus ou moins longs. Dans un communiqué du 23 mars, la Ligue de foot professionnel a fait part de «l'objectif prioritaire de terminer la saison au plus tard le 30 juin 2020 ou éventuellement le 15 juillet». Le tout au rythme effréné de deux journées par semaine. Mercredi 25 mars, c'était au tour du président de la Fédération italienne de football (FIGC), Gabriele Gravina, d'assurer «tout faire pour que les championnats aillent au bout. Au besoin nous demanderons à l'UEFA [la fédération européenne, ndlr] et à la Fifa [Fédération internationale] d'aller au-delà du 30 juin et de jouer en juillet ou en août», dans une interview accordée à Radio Marte. Auquel cas la Fifa a laissé entendre qu'elle envisageait de prolonger automatiquement les contrats qui se termineraient en juin. Plus récemment, Bill Daly, le commissaire adjoint de la National Hockey League (NHL, Etats-Unis et Canada), a expliqué que son association avait demandé aux patinoires et arènes multifonctions, qui accueillent d'ordinaire les rencontres, si elles étaient disponibles jusqu'à la fin du mois d'août.

2. Raccourcir les championnats

A défaut de pouvoir caser absolument toutes les rencontres restantes, certains championnats réfléchissent à réduire leur nombre. La NBA par exemple où le marathon des 82 matchs de saison régulière pourrait se réduire à 70. Idem pour les playoffs : avec peut-être des séries au meilleur des trois matchs, et non plus des sept comme depuis 2003. Une option toute fois très compliquée à mettre en place tous sports confondus, en raison des soucis d’équité sportive (sur quels critères supprimerait-on certaines rencontres et pas d’autres) mais aussi financiers (une telle solution peut-elle être viable économiquement pour les ligues, clubs et autres sponsors, sans oublier les contrats télévisés ?)

3. Décaler la reprise de la saison suivante à l’hiver 2021

Et si l'exercice 2020-2021 ne démarrait qu'en février prochain ? Telle est la suggestion formulée par Jean-Pierre Rivière, président de l'OGC Nice (foot). De manière à pouvoir achever sereinement les championnats et autres compétitions continentales et internationales en cours à l'automne, si le confinement perdurait (au lieu de la fin mai-début juin comme de coutume). Un scénario approuvé par André Villas-Boas, entraîneur de l'OM, dans un entretien à RMC Sport. «C'est vrai qu'on commence à penser que le plus viable, c'est de finir la saison en novembre – décembre (2020). Et à partir de 2021, commencer à enchaîner avec un calendrier civil et comme ça, on arrive en 2022 à la Coupe du Monde au Qatar (du 21 novembre au 18 décembre), à la fin des championnats.» Son homologue du FC Nantes, Christian Gourcuff, abonde : «Ce serait le bon moment pour aligner la saison de foot sur l'année civile. On aurait le temps pour terminer cette saison et se préparer. Je pense que le foot est un sport d'été. En hiver, on joue dans des conditions épouvantables, y compris pour les spectateurs. C'est une tradition qu'on a conservée pendant longtemps alors que les conditions sont idéales en été, surtout maintenant qu'on joue en nocturne.»

4. Supprimer la prochaine trêve hivernale

Tennis, foot, basket, handball, rugby se dérouleront-ils exceptionnellement au rythme de la saison des sports d’hiver ? C’est l’autre option à l’étude, plus drastique que la précédente. Elle permettrait aux fédérations de boucler leurs championnats respectifs au plus tard en septembre, de laisser un temps de vacances et de préparation en vue du prochain exercice – essentiel aux pros – avant de réattaquer en octobre-novembre pour un marathon de neuf mois non-stop. Avec un calendrier un peu plus dense que celui des skieurs et autres biathlètes, tout de même.

5. Activer les modes «Playoffs» et «Final Four»

Habituelle dans plusieurs sports – l’EuroLigue de basket, Ligue des Champions de handball, March Madness – l’idée d’organiser des Final Eight ou Final Four commence à faire son chemin, notamment pour le football. Un tel scénario concernerait surtout les Coupes comme la Ligue des Champions (C1) ou la Ligue Europa (C3), et allégerait le calendrier surchargé des clubs.

Encore faut-il s’entendre sur le bon format. Le concept du Final Eight à l’étude : les huit équipes qualifiées en quart de finale de chaque compétition sont regroupées sur un même lieu et une période ciblée, pour se disputer le trophée. Soit en match aller-retour (comme c’est le cas actuellement), soit lors de rencontres à élimination directe (type Coupe de France). Pour le Final Four : l’UEFA planche sur la possibilité de faire jouer en amont des quarts de finale sur un seul match (soit sur terrain neutre, soit avec tirage au sort pour désigner l’équipe qui reçoit), mais dans les deux cas à huis clos. Puis de jouer les demi-finales et finale en élimination directe dans un même lieu, a priori sur une semaine, comme le prévoit la formule. En l’occurrence, dans les villes prévues pour accueillir les finales ces finales cette année (Istanbul pour la C1, Gdansk pour la C3).

Deux scénarios aux contours similaires sont à l’étude pour le Top 14 de rugby. La «Coupe 14» : le classement est gelé, les deux premiers (l’Union Bordeaux-Bègles et Lyon) sont qualifiés d’office pour les quarts de finale, joués en match aller-retour, tandis que les 12 autres clubs s’affrontent en barrages aller-retour. Avant un Final Four au dénouement le 26 juin. Ou la formule playoffs : le classement est gelé, les huit premiers du championnat sont répartis en deux poules de quatre (matchs aller-retour), avant des demi-finales et une finale sur un match sec.

6. Jouer le reste des rencontres dans un lieu unique et clos

Parmi les premières grandes ligues à suspendre sa saison, la NBA réfléchirait à cette option selon ESPN, inspirée par la tentative récente de la CBA (la ligue chinoise de basket-ball) de boucler l'intégralité des rencontres 2019-2020 dans deux villes du pays. Pour accueillir les 24 matchs de saison régulière restant, ESPN cite un hôtel-casino de Las Vegas, une université du Midwest (région encore épargnée par le Covid-19), voire… les Bahamas, ni plus ni moins. Un tel dispositif impliquerait bien sûr la réquisition d'une salle mais aussi d'infrastructures permettant aux joueurs de manger, dormir et s'entraîner sans risque de contamination. Une sorte de village olympique «made in NBA» sous quarantaine. Reste à savoir si les dirigeants de la puissante ligue nord-américaine peuvent convaincre clubs et joueurs d'accepter cette option. «Je ne vais pas m'embarquer dans une merde pareille, ce sera sans moi», a refroidi d'emblée Lebron James – l'un des joueurs les plus influents de la ligue – sur le podcast Road Trippin.

7. Fusionner certaines épreuves

Le cycliste italien Matteo Trentin a lancé l'idée la semaine dernière sur son compte Twitter : fusionner le Giro – déjà annulé – avec le Tour de France et la Vuelta, les deux autres grandes courses de trois semaines de la saison sur route. «Pourquoi ne pas organiser un seul Grand Tour cette année ? Départ à Rome, en passant par Madrid, arrivée à Paris. Tous les meilleurs au départ et un super moyen de réunir tout le monde avec une course de vélo après cette horrible période !» Avant de préciser : «Pour être plus clair. Longueur de course normale. 21 étapes, 7 en France, 7 en Italie, 7 en Espagne, 2 jours de repos. Et le plus important : c'est un événement unique. Pour redémarrer tous ensemble. Retour aux affaires normales en 2021.» Problème : cette solution, qui sous-entendrait que le Tour et le Giro s'entendent, ne peut a priori concerner que le monde du vélo, ou presque. Ce serait aussi possible pour les quatre Majeurs de golf (le Masters d'Augusta et le championnat PGA, ont déjà été reportés, l'US Open est en passe de l'être) qui pourraient s'agréger et former une sorte de Majeur royal. Resterait à déterminer le format (un par de 72 trous sur lieu unique ? Ou réparti sur les quatre parcours prévus ?). Mais impossible, par exemple, de transposer le dispositif pour les tournois du tennis du Grand Chelem de tennis restants. Les organisateurs de Wimbledon ont d'ailleurs annoncé ce mercredi qu'ils annulaient purement et simplement l'édition 2020.

A lire aussi

8. Poursuivre sous la forme d’une saison 2.0

La planète sport est à l'arrêt, et pourtant le Tour de Suisse aura bien lieu… en réalité virtuelle. Au programme : une douzaine d'équipes World Tour réunies via le groupe Velon (trois coureurs par formation), et une série de cinq courses individuelles sur des vélos d'entraînement connectés à une plate-forme (Rouvy), d'une durée d'une heure chacune, sur des routes figurant sur le parcours d'origine. Et toute la technologie qui va avec : coureurs représentés par des avatars 3D, data concernant la vitesse, la puissance et la cadence affichée en temps réel, webcams mises à disposition pour certains d'entre eux, pour que «les téléspectateurs puissent voir leurs visages en poussant les watts», explique Velon à l'AFP. Programmée du 22 au 26 avril, la course «respectera les restrictions mondiales liées à la pandémie Covid-19», ont assuré les organisateurs, alors qu'une décision de report ou d'annulation n'a pas encore été prise pour la vraie course (elle a lieu en juin sur l'agenda World Tour). Une initiative validée par le coureur australien Michael Matthews (Sunweb), cité par les promoteurs de l'événement : «C'est une façon vraiment cool pour nous d'interagir avec nos fans et de courir quand la course standard n'est pas possible. Cela nous donne une motivation quand tout le reste est si incertain pour le moment». Marc Madiot, patron de la formation Groupama-FDJ, acquiesce, tout en se voulant mesuré : «Toute initiative pour stimuler les coureurs dans la période actuelle, je prends. Pourquoi pas ? Dans la situation où nous sommes, il ne faut rien s'interdire. Mais il ne s'agit pas de remplacer la vraie course. Sur ce type de vélo, on n'a pas les mêmes sensations, de vitesse, d'équilibre, de placement que dans un peloton.» La même initiative existe pour la voile : comme nous en parlions ici, plus de 100 000 internautes ont pris le large à l'occasion d'une transat virtuelle entre La Rochelle et Curaçao pour une traversée de 4 000 milles (7 400 km), avec des marins pros tels que Franck Cammas, Armel Le Cléac'h, Jérémie Beyou ou Samantha Davies aux manettes de leur multicoque 2.0.

9. Terminer la saison… sur console

Quand il n’y a plus de sport, il y a l’e-sport. Et le réservoir de sportifs professionnels regorge de spécialistes en la matière. On prête ainsi de grands talents à Valentin Rongier, Umut Bozok ou encore Martin Terrier à Fifa. Alors pourquoi ne pas simuler la fin de saison manettes en main, avec des deux contre deux et des joueurs tirés au sort ? En Espagne, une «e-liga» qui reprend ce concept a vu le jour, sous la forme d’un contre un sur Fifa, chaque équipe (exceptées Barcelone et Majorque, sous licence du jeu PES) étant représentée par l’un de ses footballeurs. Résultat : victoire du Real Madrid, porté par son geek Marco Asensio. Vraiment proche de la réalité, donc. L’événement, retransmis via la plateforme Twitch, a rameuté 170 000 personnes et aurait permis de générer quelque 180 000 euros de recette pour lutte contre le Covid-19. Il pourrait être reconduit prochainement.

L’idée vaut pour la Formule 1 : les premiers Grand Prix, annulés, ont laissé place à des courses en ligne avec quelques pilotes de la catégorie aux commandes, confrontés à des pointures d’autres sports et des cadors du jeu de simulation Sim Racing. Le Grand Prix d’Australie version PlayStation a ainsi réuni environ 400 000 internautes le 15 mars.

Faute de pouvoir redémarrer sur les parquets, la NBA s’apprête à reprendre sur 2K20 (le FIFA du basket, en gros). Un tournoi opposant plusieurs joueurs de la Grande ligue va se dérouler à partir de vendredi sur dix jours, et sera même diffusé sur ESPN. Donovan Mitchell (Utah Jazz, guéri du Coronavirus) et Demarcus Cousins (agent libre) ont déjà annoncé être de la partie.

Enfin, cela peut aussi être l’occasion de ressortir sa bonne vieille Wii : quid d’un Anthony Josha-Tyson Fury, ou d’un nouveau «Fedal» (Federer vs Nadal) par écran interposé ?

10. Continuer «à la biélorusse»

En d'autres termes : faire comme si de rien n'était, et continuer à jouer. Car comme le dit le président biélorusse Alexandre Loukachenko, 26 années à la tête du pays : «Mieux vaut mourir dignement que vivre à genoux». Quitte à y mettre les pieds, donc. Samedi dernier, le BATE Borisov, club phare du pays, s'inclinait ainsi contre le Slavia Mazyr, dans une Vysshaya Liga (la ligue biélorusse) qui vient tout juste de reprendre, malgré l'irruption du Covid-19. Loukachenko, pendant ce temps, assistait à un match de hockey…