Un coureur cycliste prévu pour disputer le Tour de France cette année attaque au téléphone : «Est-ce un soulagement que la course ait lieu ? Evidemment, ce sera une délivrance, pas seulement pour nous, mais pour les gens qui auront traversé tant de difficultés. Nous ferons en sorte que ce soit une belle fête. Voilà… » Voilà : c'est le discours officiel de la planète cycliste. La rhétorique d'Amaury sport organisation (ASO), les propriétaires du Tour de France (également propriétaires du quotidien l'Equipe), qui ont confirmé, ce mardi, le report de leur épreuve de deux mois, avec un départ de Nice le 29 août et une arrivée à Paris sur les Champs-Elysées le 20 septembre. L'air grave, le verbe exalté, le directeur de la course Christian Prudhomme parle de ce Tour exceptionnel comme d'un «phare qui nous permet de regarder vers l'avenir».
Même langage satisfait, conquérant (mais pas triomphaliste) pour les patrons d'équipes, les élus locaux qui financent les villes étapes, les professionnels du tourisme et certains champions cyclistes – qu'ils soient sincères ou contraints de parler en public… Pourtant, Libération a recueilli un sentiment très différent auprès d'une petite dizaine de coureurs français et étrangers pressentis pour participer à l'épreuve, sous la protection de l'anonymat. Un adjectif revient : le Tour de France est devenu «lointain». Voire «abstrait». Les annonces de son maintien (contrairement à la plupart