Retenez-moi ou je fais un malheur. Comme prévu, l'arrêt du championnat de France 2019-2020 acté par la Ligue de football professionnel (LFP) jeudi avec le classement de la 28e journée assorti d'un coefficient modérateur – le Paris-SG et Strasbourg comptaient un match en moins – entériné comme classement final a fait réagir ceux dont ça ne fait pas les affaires : privé de coupe européenne la saison prochaine sauf s'il remporte la finale de la Coupe de la Ligue reportée sine die (mais encore faudrait-il que celle-ci se joue), le président de l'Olympique lyonnais, Jean-Michel Aulas, a menacé de réclamer «des dommages et intérêts» aux instances – comprendre la LFP ou la Fédération française de football, dont il est membre du comité exécutif.
Tournoi ramassé sur trois semaines
Dans son argumentaire, Aulas passe par un trou de souris, ou plutôt deux. Le premier, c'est la «perte de chance sportive», en clair le fait que la 7e place du club en L1 au moment de l'interruption n'était pas gravée dans le marbre puisqu'il restait neuf matchs à jouer. Le second, c'est que le ministère des Sports avait interdit la reprise des compétitions avant le 1er août ou les rassemblements de plus de 5 000 personnes avant septembre : on pouvait donc imaginer des matchs à huis clos entre le 1er août et le 1er septembre, Aulas ayant proposé de terminer alors le championnat sous forme de tournoi ramassé sur trois semaines.
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De son point de vue, la décision d'arrêter définitivement le championnat – ou plutôt le carnaval, selon certains de ses pairs, qui savent depuis longtemps que le championnat n'avait aucune chance de reprendre – est donc non pas infondée, mais précipitée : «Nous avions imaginé un certain nombre de scenarii autres [que l'interruption pure et dure] avec des play-off qui auraient pu intéresser des diffuseurs.» «On va réclamer la valorisation de cette perte de chance très importante, qui se chiffre en plusieurs dizaines de millions d'euros», ajoute-t-il. Le préjudice estimé par lui d'une non-qualification européenne, donc.
Dans le bas du classement, les deux clubs relégués en Ligue 2 ont également réagi. Avec un certain accablement pour ce qui est de Bernard Joannin, président d'Amiens, 19e : «Il restait 30 points à distribuer [en 10 journées, 3 points pour une victoire, ndlr] et nous étions à 4 longueurs de Nîmes [qui, lui, se sauve] ! Le foot a manqué d'humanité dans cette décision d'entériner le classement à la 28e journée.» En creux, on devine que Joannin aurait bien vu un championnat à 22 équipes et non plus 20 la saison prochaine : avec les deux montées de L2 entérinées jeudi (le RC Lens et Lorient) mais sans descente, c'est-à-dire avec les Picards et Toulouse.
«Qu’ils y aillent»
Lequel Toulouse s'est fait entendre aussi, par la voix de son président, Olivier Sadran : dans une lettre adressée à la LFP et la FFF avant même la décision – certes ultra-prévisible – prise jeudi, il menace de «contester [la relégation de son club] devant les autorités compétentes». Même si le bilan sportif lamentable du TFC (21 défaites en 28 matchs) plombe un peu son argumentaire, Sadran est dans son rôle.
Après en avoir appelé «à la solidarité et à la responsabilité de chacun» à l'heure où le football offre le triste spectacle de ses divisions dans un contexte où des centaines de personne décèdent chaque jour du coronavirus, la ministre des Sports, Roxana Maracineanu, s'est voulue solide : «S'ils veulent aller au tribunal, qu'ils y aillent.»
Aucun texte de règlement ne prévoit en effet l'obligation d'arrêter un classement à l'issue des 38 journées, celui-ci devant être établi «à l'issue de la dernière journée complète», selon les textes. Par ailleurs, pas moins de trois tutelles ont appuyé la décision de la LFP prise jeudi : le ministère des Sports, la Fédération française de foot présidé par un Noël Le Graët qui avait procédé de la même façon avec les échelons amateurs voilà deux semaines (pas rien dans le système sportif pyramidal à la française) et l'Union européenne de football, qui a préconisé vendredi d'utiliser les classements établis au moment de l'interruption des différents championnats. Aulas et consorts partent de loin.