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Le Conseil d'Etat demande à la Ligue 1 de faire match arrière

Déconfinementdossier
Saisi par le Amiens SC, le juge des référés du Conseil d'Etat a validé la plupart des décisions de la LFP concernant l'arrêt du championnat, mais pas la relégation d'Amiens et Toulouse, ouvrant la voie à un calendrier à 22.
Le président du Amiens SC, Bernard Joannin (à gauche), après une audition au Conseil d’Etat, le 4 juin à Paris. (FRANCK FIFE/Photo Franck Fife. AFP)
publié le 9 juin 2020 à 19h59

En voilà une que le petit monde du foot hexagonal n'a pas vu venir : saisi par le Amiens SC auquel s'est associée la communauté d'agglomération Amiens Métropole, l'Olympique lyonnais et le Toulouse FC concernant l'arrêt du championnat de France de L1 à la mi-mars pour cause de coronavirus et les modalités retenues pour le classement final, le juge des référés du Conseil d'Etat a validé la quasi-totalité des décisions prises (fin de saison, classement au coefficient) à une nuance près. De taille : les clubs d'Amiens (19e) et Toulouse (20e), relégués sportivement, devront être réintégrés parmi l'élite. A charge pour la Ligue professionnelle (LFP) de «réexaminer la question du format de la Ligue 1», c'est-à-dire pondre un calendrier à 22 clubs plutôt que 20 puisque le RC Lens et le FC Lorient, qui occupaient les deux premières places de L2 au moment de l'interruption, sont montés d'un étage.

Sur l'ordonnance rendue par le Conseil d'Etat, toute l'attention doit être portée sur le point 23, qui évoque le procès-verbal du conseil d'administration de la LFP du 30 avril au cours duquel les descentes en L2 des Picards et des Haut-Garonnais avaient été avalisées : «Le conseil d'administration de la Ligue [professionnelle] s'est fondé, pour exclure une solution consistant à permettre simultanément deux accessions en Ligue 1 [celles de Lens et Lorient, ndlr] et aucune relégation en Ligue 2 […] sur la circonstance que le format de la Ligue 1 est encadré par une convention conclue avec la Fédération française de foot, qui prévoit entre 18 et 20 clubs en L1. Toutefois, la convention actuellement en vigueur prend fin le 30 juin 2020 et ne régit pas la saison 2020-2021. Le moyen tiré de ce conseil d'administration de la Ligue a donc entaché sa décision d'erreur de droit et est, en l'état de l'instruction, de nature à créer un doute sérieux quant à sa légalité.»

Erreur grossière

En clair, la LFP a argué d'une convention prenant fin le 30 juin pour établir le périmètre d'une compétition débutant plus tard : faute. Le point 24 de l'ordonnance scelle la décision : il y a bel et bien «atteinte grave et immédiate aux intérêts des clubs concernés» puisqu'une relégation implique un budget divisé par quatre ou cinq, avec des droits télés réduits à la portion congrue. Enfin, le Conseil d'Etat précise que «ni l'intérêt d'autres clubs, ni l'intérêt du public attaché au bon déroulement du championnat de Ligue 1 ne sont susceptibles de contrebalancer cette atteinte». En gros, la diminution des recettes issues des droits télés (le même gâteau à partager à 22, et non plus 20) est un préjudice jugé léger et supportable en comparaison de celui subi par Amiens et Toulouse en cas de relégation.

Pour la Ligue et son directeur général, Didier Quillot, l’affaire est fâcheuse : la LFP n’entretient pas un service juridique pour se faire trouer sur une erreur aussi grossière. Sportivement, les relégations d’Amiens et plus encore de Toulouse (21 défaites en 28 matchs pour les Violets) se tenaient, verdict d’une saison disputée au trois quarts obligeant les instances à choisir la moins mauvaise des solutions. Mais le Conseil d’Etat n’en a cure : il juge le droit, ou plutôt le fondement juridique des décisions prises.

Les clubs amiénois et toulousains ont immédiatement salué la décision du juge des référés, actant selon eux leur maintien parmi l'élite. On n'y est pas : la convention liant la FFF et la LFP pour la saison 2020-2021 aurait, selon une source fédérale, été signée le 20 mai et elle prévoirait, comme la précédente, une Ligue 1 «à 18 ou 20 clubs» : reste à savoir si elle peut prendre une valeur rétroactive, c'est-à-dire soutenir juridiquement une décision consignée dans le PV du conseil d'administration de la LFP le 30 avril, c'est-à-dire trois semaines plus tôt.

Conspiration

Sinon, l'acteur principal de la pièce qui se joue par médias interposés depuis quelques semaines à été envoyé aux pelotes par le Conseil d'Etat : le président de l'Olympique lyonnais Jean-Michel Aulas a vu toutes ses demandes rejetées. Depuis la reprise des compétitions – alors qu'il avait initialement milité pour l'interruption définitive – jusqu'aux modalités retenues pour le classement final de la saison 2020-2021, le Conseil d'Etat ayant retenu pêle-mêle la légitimité de la tutelle politique sur les affaires du foot («pour protéger les joueurs») et la difficulté de prendre ce type de décision en pleine pandémie et dans un contexte d'incertitude généralisée concernant le virus et les conditions de sa propagation.

En principe, c'est terminé : Aulas n'a plus de recours possible. Encore qu'on lui prête celle de saisir le Conseil de la concurrence puisqu'il affirme avoir eu vent d'une conspiration de présidents de club sur l'application WhatsApp fomentant la fin du championnat pour couper l'élan de l'OL (7e au moment de l'interruption) avant d'influencer le gouvernement Macron. A défaut, il lui restera le Tribunal pénal international, ou le Tribunal suprême de la signature apostolique au Vatican. On rigole.