Menu
Libération
Interview

«Le sport a donné confiance en soi aux Noirs américains»

Article réservé aux abonnés
Dans «Corps politiques», l'historien Nicolas Martin-Breteau revient sur la place prise par le sport dans l'émancipation des Noirs aux Etats-Unis.
Le boxeur Jack Johnson (à gauche) a provoqué un séisme chez les suprémacistes blancs en devenant le premier Noir champion du monde des poids lourds. A droite, Jackie Robinson, premier Afro-Américain à intégrer la ligue de base-ball. (Getty Images)
publié le 23 juin 2020 à 9h53
(mis à jour le 23 juin 2020 à 11h24)

Dans un contexte mouvementé après la mort de George Floyd, tué par un policier blanc, l'historien Nicolas Martin-Breteau publie un livre passionnant : Corps politiques, le sport dans les luttes des Noirs américains pour la justice depuis la fin du XIXe siècle. Dans ce livre, l'auteur retrace le combat de la communauté noire américaine pour son émancipation, en soulignant que l'histoire de ce groupe est avant tout une histoire corporelle, où le sport joue un rôle déterminant.

Le point de départ de votre ouvrage se situe à la fin du XIXe, dans une Amérique totalement chamboulée, où une nouvelle conscience politique «noire» va émerger sous l’influence de nombreux intellectuels, comme William Du Bois. Cette élite invite la population afro-américaine à s’élever et à s’émanciper, en favorisant l’acquisition du «caractère». Qu’est-ce que ce caractère en question ?

La fin du XIXe marque l'effondrement de la période de reconstruction américaine, puisque à la suite de la guerre de Sécession, l'Etat fédéral américain, c'est-à-dire le Nord, avait décidé de rebâtir le pays, et notamment le Sud. Et cela sur des bases plus démocratiques et interraciales, en accordant par exemple le droit de vote aux Noirs américains. Or on a assisté surtout à une contre-révolution raciale menée par les suprémacistes blancs, qui allait rétablir une nouvelle forme de ségrégation. Ce que l'on résume souvent par l'idée que si le Nord a gagné la guerre, le Sud a gagné la paix : c'est la vision sudiste des relations raciales qui s'impose à tout le pays. Et c'est dans ce contexte que les classes supérieures africaines-américaines élaborent une stratégie de reconquête de leurs droits : l