Le maintien coûte que coûte du Tour de France : une question vitale pour les 22 équipes participantes, dont la raison d'être repose très majoritairement sur une seule et unique course dans la saison, celle au maillot jaune. «Ce serait une catastrophe totale» si la course était annulée, expliquait fin mars Patrick Lefevere, patron de l'équipe Deceuninck-Quick Step, alors que la décision n'avait pas encore été prise de préserver l'épreuve en la décalant de deux mois au calendrier. «Les organisateurs, ASO, peuvent se permettre de marquer une pause, mais les équipes ne le peuvent pas, ajoutait le manager belge auprès du quotidien néerlandophone Het Nieuwsblad. S'il n'y a pas de Tour de France, c'est tout le modèle du cyclisme qui peut s'effondrer.» Un ancien dirigeant d'équipe nuance : «Des formations sponsorisées par des Etats peuvent éventuellement survivre à une annulation. Des équipes parrainées par des gros groupes d'assurance aussi. Pour toutes les autres, le danger est énorme. Un sponsor pourrait se retirer s'il perd l'affichage publicitaire du Tour.»
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L’argument économique profitable à l’ensemble du peloton est invoqué par les organisateurs pour conserver l’épreuve au calendrier et non la reporter à 2021. Les équipes, dont le budget varie entre 6 et 8 millions d’euros annuels (B & B Hôtels-Vital Concept) et 46 millions (Team Ineos), sont à plus de 90 % financées par des partenaires privés. Pas de billetterie spectateurs, quasiment pas de ventes de produits dérivés, aucun droit perçu sur le marché des transferts ni, plus surprenant, de quote-part des droits télévisés engrangés par les organisateurs, dont ceux du Tour de France.
Mais les équipes vivent indirectement du Tour, puisque leur sponsor en retire l'essentiel de ses retours sur investissement médiatiques. La Grande Boucle demeure solidement le troisième événement sportif mondial (derrière les Jeux olympiques et la Coupe du monde de foot) et le premier qui se déroule tous les ans : 100 chaînes de télé sur tous les continents, 108 heures d'images diffusées en 21 étapes, des dizaines de millions de téléspectateurs… L'équipe française AG2R la Mondiale, en réussite depuis six ans grâce à son leader, Romain Bardet, enregistrait en 2018 47 millions d'euros hors taxes en équivalent d'achats d'espaces publicitaires, ce qui permettait à son sponsor principal de récupérer plus de quatre fois sa mise de départ. Vincent Lavenu, manager de l'équipe, confirme cette semaine qu'il «s'attend à vivre une expérience différente» sur la course mais que «le Tour est essentiel à la survie de notre sport».