Le Team Ineos va-t-il remporter son huitième Tour de France en neuf éditions ? A l’heure d’entamer ce samedi une course sous tension sanitaire, sur la promenade des Anglais à Nice, la formation britannique mise tout sur Egan Bernal. Le Colombien de 23 ans reste certes une valeur sûre, lauréat du Tour l’an dernier et dominateur de la Route d’Occitanie lors de la reprise de la saison début août. Mais le grimpeur a aussi officiellement passé les dernières semaines le dos en vrac. Par ailleurs, l’équipe, qui roule sous les couleurs du 4 × 4 Grenadier, commercialisé par la firme chimique Ineos, est venue sans plan B. C’est-à-dire sans ses autres chefs de file potentiels, Christopher Froome (quatre succès) et Geraint Thomas (le vainqueur du Tour 2018), à court de forme.
«Gains marginaux»
Pour la première fois depuis 2012, le Team Ineos devrait croiser le fer avec une équipe à sa mesure, la Jumbo-Visma, nouvelle terreur qui happe ces derniers temps tout ce qu’elle peut. Jumbo fait d’ailleurs du Ineos, et en mieux : plusieurs leaders associés, puissance du collectif, suprématie en montagne et contre-la-montre, «gains marginaux» dans la préparation, qui passent notamment par l’usage controversé de boissons aux cétones, supposées favoriser la récupération. L’un des favoris de cette édition placée sous le signe du Covid-19 est donc le Slovène Primoz Roglic, 30 ans, leader de Jumbo-Visma, qui a déjà remporté le Tour d’Espagne l’an passé. L’ancien sauteur à ski laisse tout le peloton lui reluquer les fesses quand il s’agit de franchir une ligne d’arrivée. Intouchable cet été sur le Tour de l’Ain puis le Dauphiné, avant une chute sur cette même course, il pourrait souffrir d’éventuelles séquelles. En cas d’échec, son équipe peut déployer le Néerlandais Tom Dumoulin.
Menthes à l’eau
Les Français, dans un contexte inédit, arriveront peut-être à débouter le mauvais sort qui les assiège ces trente-cinq dernières années et l’époque Bernard Hinault. Sur le podium en 2014, brillant en haute montagne l’an passé jusqu’à une blessure au genou qui l’a contraint à l’abandon, Thibaut Pinot (Groupama-FDJ) a le profil adéquat du varappeur. Julian Alaphilippe (Deceuninck-Quick Step), lui, reste un outsider de premier ordre après une édition 2019 où il avait passé les deux tiers de la course en jaune, et ce même s’il affirme plutôt viser les victoires d’étape.
A vrai dire, l'arrêt forcé des courses de mars à juillet bouscule tout référentiel. Où sont les certitudes ? Le Critérium du Dauphiné murmure un nom à peu près sûr à l'oreille des poltrons du pari : il a consacré mi-août un quidam à ce niveau-là (le Colombien Daniel Martinez, de l'équipe américaine EF Pro Cycling). L'enjeu : un barista du peloton, qui sert des menthes à l'eau à l'année, pourrait bien ici les siffler à la place des soiffards habituels. Tom Dumoulin n'affirme pas autre chose : «Ce n'est pas Jumbo-Visma contre Ineos. Au moins 20 coureurs peuvent prétendre à la gagne ou figurer sur le podium. On a juste à s'assurer qu'on est meilleurs.» Mais pour la gagne à la pédale, encore faut-il que le Tour de France puisse parader le 20 septembre sur les Champs-Elysées.