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Cyclisme

Pour la Grande Boucle, pas de maillot Vert

Tour de France 2020dossier
Depuis le mois d’août, les élus écolos et le patron du Tour s’affrontent au sujet de l’impact environnemental de la course.
Christian Prudhomme, directeur du Tour de France, mardi à La Tour-du-Pin (Isère). (Thibault Camus/Photo Thibault Camus. AP)
publié le 18 septembre 2020 à 19h36

Entre les Verts et le Tour de France, le rapport de force se tend. Depuis cet été, des élus écolos, portés au pouvoir lors des dernières municipales, remettent en question le modèle environnemental et sociétal de la course (Libération du 29 août). Le patron de l'épreuve cycliste, Christian Prudhomme, a répliqué mercredi de façon très virulente à ces coups de pression politiques. Avant le départ de la 17e étape à Grenoble, sur le parvis de l'hôtel de ville, Prudhomme a enfilé ses habits de politicien : «Le Tour de France est une épreuve qui fédère, qui rassemble. Ne cassez pas [cela] ! Il y a tant de communautés, de communautarismes, de gens qui se séparent !» a-t-il dégainé, ciblant sans les nommer les élus verts. Sous le regard d'Eric Piolle, le maire écologiste de la ville, qui venait de déclarer qu'il fallait «que ça bouge». Main gauche sur la boucle de la ceinture, l'organisateur insiste sur le «nous» quand il déclare «Nous parlons aux gens» et réveille la flamme patriotique : «Le Tour, c'est notre pays !»

Refus

«Mais quel rapport avec la choucroute ?» demande David Cormand. Le député européen EE-LV analyse cette bataille politique tout en réaffirmant le point de vue majoritaire au sein de son mouvement : «Il est démagogue de laisser croire qu'on mène une attaque directe contre la France quand on s'interroge sur la gestion des déchets, qu'on questionne l'imaginaire de publicité et de consommation du Tour.» Il rappelle qu'Amaury sport organisation (ASO), propriétaire du troisième événement sportif mondial, «est une entreprise privée qui exige des financements publics». A ce titre, juge-t-il, elle a «des devoirs».

Cormand cite l'exemple de la planche des Belles Filles (Haute-Saône), où l'arrivée du contre-la-montre décisif sera jugée ce samedi. «Il y a dix ans, des associations écolos avaient dénoncé la construction d'une route jusqu'au sommet par le conseil départemental pour accueillir une étape du Tour, explique Cormand à Libération. Aujourd'hui, les habitants se demandent où sont passées les retombées économiques qu'on leur avait promises.»

L'ancien secrétaire national d'EE-LV assure qu'aucune discussion n'a eu lieu au sein du parti pour adopter une position commune sur le Tour de France. La crispation a débuté en août avec le refus de la maire PS de Rennes, Nathalie Appéré, sous l'impulsion des Verts locaux, d'accueillir le grand départ du Tour 2021. Ouvrant ainsi une brèche. Dans Libération, Pierre Hurmic, son homologue à Bordeaux, affirme qu'il n'accueillera une étape qu'à la condition de «plus de sobriété» de la part d'ASO. Certains édiles écologistes ont reçu le Tour cette année sur la base de contrats signés par leurs prédécesseurs. Léonore Moncond'huy (Poitiers) et Grégory Doucet (Lyon) en ont profité pour émettre des critiques. Ce dernier déclare au Progrès que «le Tour de France continue à véhiculer une image machiste du sport».

«Dialoguer»

Christian Prudhomme s'agace de ces interventions dans la presse : «Seule la discussion sans parler dans les médias en premier peut aider. C'est juste du bon sens.» David Cormand ironise : «Prudhomme a plus l'habitude de dialoguer avec des élus qu'il a invités dans la voiture du directeur de course…» L'eurodéputé appelle ASO à nouer le dialogue. Une première dans l'histoire du Tour de France, qui n'avait jamais fait l'objet d'une telle contestation politique par des élus locaux depuis sa création en 1903.