Une trouée lumineuse dans un ciel noir : vendredi, le Français Hugo Gaston, 20 ans, s’est joué à la fois du Suisse Stan Wawrinka (2-6, 6-3, 6-3, 4-6, 6-0) et de la jauge réduite (1 000 spectateurs par jour maximum, coronavirus oblige) pour rallier les huitièmes de finale, divine surprise dans un horizon tricolore bouché puisque le Toulousain sera le seul Tricolore du tableau masculin à atteindre ce stade.
La jauge réduite : sur le Suzanne-Lenglen, Gaston a créé de par son jeu tout en facétie – amorties en pagaille, changement de rythme, accélérations brutales alors que d'autres options semblaient autrement évidentes – une ambiance du tonnerre, signe d'un état de fait que l'on soupçonnait depuis le départ : c'est ce qui se passe sur le court qui donne la note, 500 personnes emballées par ce qu'elles voient peuvent faire du bruit comme 2 000. Gaston les a du reste remerciées juste après la balle de match au micro de France Télévision : «C'est beau ce qui se passe ici. Merci d'être venus, vous êtes super. C'est grâce à vous… Je ne pensais pas forcément gagner, j'ai joué mon jeu… merci à vous.» Son jeu : faire bouger l'actuel numéro 17 mondial, faire en sorte que celui-ci fasse à un moment du match ses 35 ans. L'affaire a été passionnante à suivre.
Variété de coups
D’abord impressionné, le médaillé d’or des Jeux olympiques de la jeunesse (en 2018) est rentré dans la partie dans la deuxième manche, ramenant dans le court toutes les balles qui lui était possible de ramener et poussant ainsi le Suisse à frapper toujours plus fort, l’emmenant dans des zones où le risque de sortir la balle était élevé. De fait : 74 fautes directes à 41, la partie s’est jouée là, mais encore fallait-il avoir les jambes pour aller chercher les frappes lourdes de l’ex-vainqueur du tournoi, en 2015. Deuxième clé : les amorties lâchées à tout bout de champ par Gaston, mettant en exergue une faiblesse (relative, mais réelle à l’échelle des tout premiers mondiaux) de son adversaire, à savoir ses difficultés dans le jeu quand il doit avancer.
Sans compter la fatigue qui est allée avec ces incessants allers-retours. Wawrinka a donc fini fourbu, lâchant ses coups de plus en plus aveuglement sans jamais toucher un Gaston qui semblait lui tourner autour. Hors du court, le Toulousain est un taiseux : depuis le début de la quinzaine, ses conférences de presse sont plutôt fastidieuses, ce qui contraste avec son jeu pétillant. Il s'était tout de même félicité mercredi de sa transition entre les tournois juniors et professionnels, expliquant que la variété de ses propres coups lui offrait des solutions permettant d'amortir le choc entre le monde des enfants et celui, au combien âpre et difficile, du circuit senior. Il va être servi dimanche : l'Autrichien Dominic Thiem, quatre fois finaliste en Grand Chelem (deux fois Porte d'Auteuil) et récent vainqueur de l'US Open, est en vue. Gaston n'a pas fini de courir. En même temps, il adore ça.