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Tennis

Roland-Garros : soupçons de trucage sur un match de double féminin

Dans un match du premier tour, le 30 septembre, le cinquième jeu du deuxième set aurait été volontairement vendangé par une des joueuses. Ce qui a pu rapporter des sommes conséquentes aux organisateurs des paris.
La Roumaine Patricia Maria Tig, à Roland-Garros, samedi. (ANNE-CHRISTINE POUJOULAT/Photo Anne-Christine Poujoulat. AFP)
publié le 6 octobre 2020 à 19h20

A priori, tout le monde se foutait du match du premier tour du double dames de Roland-Garros, entre la paire roumaine composée d'Andreea Mitu et de Patricia Maria Tig au duo russo-américain Yana Sizikova et Madison Brengle le 30 septembre, sauf peut-être dans des officines de paris on ne sait où dans le monde où certains ont pu empocher un pactole totalement disproportionné par rapport à l'enjeu de la rencontre. Le parquet de Paris a en effet annoncé mardi avoir ouvert une enquête pour «escroquerie en bande organisée» et «corruption sportive active et passive» pour des soupçons de match truqué, une pratique qui a déjà entaché récemment la réputation du tennis. «C'est un match de premier tour avec des joueuses pas très connues», a simplement confirmé à l'AFP une source au sein de l'Autorité nationale des jeux (ANJ), qui régule en France les jeux, courses hippiques et paris sportifs. L'enquête a été ouverte le 1er octobre.

Aucune des joueuses concernées par l'enquête n'est particulièrement réputée : Tig est classée 59e mondiale, Mitu 512e, Brengle 78e et Sizikova 652e. Les soupçons se porteraient particulièrement sur le cinquième jeu du deuxième set, alors que le score est de 2-2 : un jeu blanc remporté par le duo roumain après deux doubles fautes grossières de la Russe Sizikova et un point sur lequel elle semble particulièrement empruntée. Les Roumaines se sont imposées en deux sets 7-6, 6-4.

Selon une source proche du dossier, les paris faits sur cette rencontre représentent «des sommes évidemment importantes, anormalement élevées» de l'ordre de «plusieurs dizaines de milliers d'euros». Selon l'Equipe «la cote moyenne à l'international sur le gain du jeu en question par la paire roumaine était de 1,9. En d'autres termes, une personne ayant parié 100 000 euros sur ce résultat récupère sa mise initiale et empoche 90 000 euros en plus». Largement de quoi mettre du beurre dans les épinards pour les gagnants et rémunérer les mauvais services de Sizikova, sur laquelle les soupçons semblent se porter.

Le «Maestro»

L'ANJ n'a pas détecté d'anomalie sur les mises opérées «sur le marché français», explique la source en son sein. «Ils ont dû avoir peur de miser en France. Ils ont tenté de disséminer les mises sur les autres marchés mais les associations d'opérateurs savent faire des additions. On a reçu des informations via plusieurs canaux. A la fois des opérateurs privés, une alerte de GLMS (Global Lottery Monitoring System) et aussi du groupe de Copenhague (qui regroupe 33 plateformes de lutte contre les manipulations sportives dans le monde).» Les policiers du service central des courses et des jeux (SCCJ) ont été chargés des investigations, a précisé le parquet de Paris.

Le tennis est occasionnellement frappé par des soupçons de matchs truqués, qui concernent le plus souvent des tournois professionnels de deuxième voire de troisième catégorie. Le 27 septembre, deux joueuses de nationalités kirghize et ouzbèke ont ainsi été mises en examen et placées sous contrôle judiciaire dans le Val-d’Oise, dans le cadre d’une enquête ouverte par le parquet de Pontoise après un tournoi à Gonesse, en mars.

L'enquête la plus retentissante, en France, a été ouverte par le parquet national financier (PNF) en juillet 2019 pour corruption sportive, association de malfaiteurs et blanchiment de corruption en bande organisée, et pourrait avoir des ramifications européennes. Elle faisait suite à une vaste enquête lancée en Belgique qui, selon le parquet général belge, touchait à son ouverture au moins sept pays (Bulgarie, Slovaquie, Allemagne, Pays-Bas, France, Etats-Unis et Belgique) et concernait «un groupe très structuré d'Europe de l'Est, qui agit depuis la Belgique et s'est spécialisé dans les matches de tennis». A la tête de ce réseau présumé figurerait un certain Grigor S., présenté comme un Belge d'origine arménienne de 28 ans surnommé le «Maestro».