Nasser Al-Khelaïfi peut souffler, et bien fort. Le patron de beIN Media et du PSG a été acquitté vendredi, dans l’un des multiples scandales du football mondial : l’attribution des droits médias des Coupes du monde 2026 et 2030. L’ex-numéro 2 de la FIFA, Jérôme Valcke, échappe quant à lui à la prison, écopant d’une peine légère pour une accusation secondaire. Jusqu’à ce matin encore, on leur jurait un épilogue plus qu’incertain, et c’était toute la réputation du Qatari qui était en jeu.
Mais dans leur jugement, les trois magistrats du Tribunal pénal fédéral de Bellinzone (Suisse) ont démonté la quasi-totalité des charges. Seule subsiste celle de «faux dans les titres» contre Jérôme Valcke, dans une affaire par ailleurs sans lien avec Nasser Al-Khelaïfi, qui écope de 120 «jours-amende» (200 francs suisses par jour) avec sursis.
«Après quatre années d'allégations sans fondement, d'accusations fictives et d'atteintes constantes à ma réputation, la justice m'a entièrement blanchi. Le verdict d'aujourd'hui est une véritable victoire», se réjouit dans un communiqué le dirigeant qatari, dispensé vendredi de comparution par le tribunal en raison de la situation sanitaire.
Luxueuse villa
Dans le principal dossier - qui n'est que l'un des nombreux dessous financiers du foot business - Valcke et Al-Khelaïfi étaient accusés d'avoir conclu un pacte dans le dos de la FIFA, relevant de la «gestion déloyale» et passible de cinq ans de prison.
Au terme de dix jours d'audience en septembre, le parquet avait requis 28 mois d'emprisonnement contre le patron de beIN et du PSG, 3 ans contre Jérôme Valcke et 30 mois contre un homme d'affaires grec, Dinos Deris, tout autant acquitté vendredi du chef de «corruption privée».
Pourtant, dans leur jugement, les trois magistrats ainsi que l’accusation ont estimé que Jérôme Valcke avait bien monnayé son soutien à beIN en échange d’une luxueuse villa sur la Côte d’Emeraude sarde, achetée pour lui cinq millions d’euros fin 2013 par une société brièvement détenue par Nasser Al-Khelaïfi.
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L’ancien secrétaire général de la FIFA avait admis avoir sollicité l’aide du dirigeant qatari pour financer la «Villa Bianca», quelques mois avant la signature en avril 2014 d’un contrat entre beIN et l’instance du football portant sur les droits en Afrique du Nord et au Moyen-Orient des Mondiaux 2026 et 2030.
Balayant la thèse de la défense, le tribunal a jugé «difficile de croire» que l'arrangement autour de la «Villa Bianca» ait été «établi dans un cadre purement privé», y voyant au contraire un lien avec les droits décrochés par beIN.
Problème : les magistrats ne pouvaient pas condamner pour «corruption privée» dans ce volet. La FIFA a en effet retiré sa plainte en janvier après un accord avec Nasser Al-Khelaïfi, ce qui a mécaniquement entraîné l’abandon de cette charge selon le droit suisse en vigueur au moment des faits.
Restait donc l'accusation de «gestion déloyale», qui nécessite de prouver que l'accord entre les deux hommes a lésé la FIFA. Or «rien n'indique que la FIFA aurait pu obtenir un contrat plus avantageux» que celui signé avec beIN, estime le tribunal.
Vingtaine d’enquêtes en cours
Devenue un géant mondial des droits sportifs, la chaîne qatarie a en effet déboursé 480 millions de dollars pour deux Coupes du Monde, soit 60% de plus que pour les Mondiaux 2018 et 2022. «Stupéfiant», «fantastique», «sublime pour la FIFA» : les superlatifs ne manquaient pas lorsque l'homme d'affaires français qualifiait le contrat à l'audience.
Dans un dossier distinct mais joint à cette même audience, Jérôme Valcke était accusé d’avoir touché 1,25 million d’euros de la part de Dinos Deris, en trois versements depuis le Liechtenstein, pour favoriser l’obtention des droits médias de plusieurs Coupes du monde en Grèce et en Italie. Là encore, il se voit blanchi de l’accusation principale.
Au-delà du sort des trois prévenus, ce procès était un jalon important pour la justice suisse, qui abrite sur son sol la plupart des organisations sportives internationales, et a ouvert depuis cinq ans une vingtaine d'enquêtes autour de la FIFA, dont celles sur l'attribution du Mondial 2022 au Qatar. et les soupçons d'intervention de Gianni Infantino dans une enquête le visant en avril dernier.
Au cours du même mois d’avril, le Tribunal pénal fédéral avait été contraint de clore un procès entamé en mars sur des soupçons de corruption dans l’attribution du Mondial 2006 à l’Allemagne : d’abord repoussé en raison du Covid-19, ce dossier impliquant l’ancien «Kaiser» du foot Frank Beckenbauer a été rattrapé par la prescription. Mais avec tous les autres volets judiciaires en cours, c’est peu dire que le business du ballon rond n’a pas fini de causer des remous.