Il a beau avoir un tempérament discret, ça ne l'empêche pas de détonner sur le terrain. Peu connu du grand public, Ugo Humbert est pourtant le joueur Français le plus en forme du moment. Dernier tricolore en lice au Masters 1000 de Paris-Bercy, il disputera son premier quart de finale dans une telle compétition face au Canadien Milos Raonic (17e mondial) dans l'après-midi.
Depuis quelques semaines, le Messin de 22 ans, 34e mondial, enchaîne les performances et surfe sur une série de huit victoires d'affilée. Fin octobre, à Anvers, il s'est offert le deuxième titre de sa carrière après Auckland en janvier et il réalise cette semaine un très beau parcours à Bercy. Le tout agrémenté de deux victoires sur des «top 10» (Daniil Medvedev, alors numéro 5 mondial, à Hambourg, puis le numéro 6 Stefanos Tsitsipás à Bercy mardi soir). «C'est génial, mais ce n'est pas une fin en soi. Je ne me mets pas de pression sur le résultat, je n'ai pas trop d'attente là-dessus. J'essaye simplement de progresser, de chercher des choses en moi», confiait-il jeudi avec son humilité habituelle en conférence de presse suite à sa victoire contre Marin Cilic (ex-numéro 3 mondial, aujourd'hui 43e).
Une progression constante
Eclipsé par les performances de son ami Hugo Gaston à Roland-Garros, le gaucher longiligne (il fait 1,88 mètre pour 73 kilos) au service dévastateur et à la qualité de frappe impressionnante, ne recherche pas la notoriété, au contraire. Peu présent sur les réseaux sociaux, discret sur sa vie personnelle, Ugo Humbert n'est pas un grand bavard, selon Cédric Raynaud qui l'a entraîné durant plusieurs années à l'Insep puis au Centre national d'entraînement (CNE). «L'argent, la notoriété, il s'en fiche. Il ne joue pas pour ça, balaye son ancien coach. Il aime être tranquille, seul ou avec sa famille. Mais il mériterait à se faire connaître, il a de très bonnes valeurs.»
«La tête sur les épaules», «humble», «rigoureux», «gros bosseur», «possédé par l'envie de se dépasser»… Des valeurs inculquées par ses parents très présents à ses côtés. Le Lorrain n'hésite d'ailleurs pas à mettre en avant son père, boucher-charcutier-traiteur à Metz et meilleur ouvrier de France, ou sa mère qui l'a accompagné sur le circuit durant quelques semaines lorsqu'il a arrêté sa collaboration avec son coach Cyril Brechbühl peu avant l'US Open.
«Têtu, comme tout champion», Ugo Humbert récolte aujourd'hui les fruits de ce qu'il a semé depuis plusieurs années. Depuis qu'il est rentré dans le top 100 en 2018, sa progression est constante. Désormais 34e mondial, il peut se targuer d'être le numéro 3 français derrière Gaël Monfils et Benoît Paire. L'an passé il avait déjà fait impression sur le circuit en atteignant les huitièmes de finale à Wimbledon (son meilleur résultat en Grand Chelem). Si Novak Djokovic l'avait alors sèchement stoppé sur sa lancée, le numéro 1 mondial n'a pas tari d'éloge à son égard le voyant même comme «l'un des leaders de la prochaine génération».
«Il est très émotif sur et en dehors du terrain»
Pour arriver à de tels résultats, le jeune tricolore a dû faire preuve de résilience. Souvent blessé durant son adolescence en raison d'une croissance rapide ou d'un stress mal géré, il n'a rien lâché et s'est réfugié dans la musique en jouant du piano. «Il s'était par exemple blessé à l'Insep parce qu'il avait eu de mauvaises notes au bac blanc et ça l'avait tendu, se souvient Cédric Raynaud. Il est très émotif sur et en dehors du terrain, mais on a essayé d'en faire une force». Grâce à l'appui d'une psychologue et d'une préparatrice mentale, le Français a appris à se faire confiance et à dompter ses émotions. Un travail qu'il compte continuer au côté de Nicolas Copin, son nouveau coach depuis deux semaines.
Le Français l’a prouvé à Bercy : il est capable d’enchaîner les matchs difficiles à très haut niveau. Plus mature, il sait désormais faire la différence sur les points importants. En atteste cette statistique : neuf tie-breaks sur onze remportés depuis mi-septembre. Ugo Humbert est indéniablement en confiance mais sa marge de progression est encore importante. Perfectible au filet, le tricolore doit encore étoffer son jeu et son physique s’il veut rapidement rentrer dans le top 20 et aller loin en Grand Chelem. En attendant, reste à savoir s’il sera assez costaud pour venir à bout de Milos Raonic ce vendredi après-midi et ainsi se hisser pour la première fois de sa carrière en demi-finale d’un Masters 1000.