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Libération
Le portrait

Yannick Bestaven, à bon port

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Marin mêlant maturité, rationalité et instinct, le vainqueur du Vendée Globe est aussi un ingénieur écolo ayant inventé un hydrogénérateur.
Yannick Bestaven (Photo Rémy Artiges)
publié le 31 janvier 2021 à 17h06

Lendemain de victoire. Rendez-vous est pris dans une petite salle attenante au bâtiment abritant la direction de course. Yannick Bestaven vient de s’offrir sa première grasse matinée après quatre-vingts jours de sommeil fractionné. Passé en quelques heures de l’ombre à la lumière, le marin discret se plie de bon cœur aux multiples sollicitations, et nage en plein bonheur. Il est mal rasé, n’est pas encore passé chez le coiffeur, a les yeux tirés, mais aussi ces courbatures inhérentes aux athlètes bientôt quinquagénaires. Ses mains ressemblent plus à celles d’un pianiste qu’à celles d’un marin pêcheur, et ne traduisent pas la férocité de ses 29 000 milles (53 000 kilomètres) autour de la planète à tirer sur des cordages nuit et jour. Elles sont clairement en meilleur état que le flanc tribord de son bateau lacéré. Pas du genre fier-à-bras, il avoue en avoir bavé, et n’avoir pris que de rares plaisirs. Dans l’océan Indien, il a navigué «terré comme un sanglier», tassé dans son siège baquet encore humide, dégageant une odeur de maison de bord de mer l’hiver, et s’est régulièrement fait catapulter de sa couchette. «J’avais emporté plein de bouquins. J’en ai lu la moitié d’un.» Quand dans le Pacifique, il distance ses adversaires, ces derniers se justifient en affirmant qu’il affectionne le gros temps. «C’était tout le contraire. J’ai vécu la peur au ventre, redoutant de percuter quelque chose, de tout casser, mais surtout je n’avais pas envie