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Maltraitance

Autorisation de boire et d’aller aux toilettes, pas de pesée obligatoire… Le grand saut de la gymnastique britannique

Après des années d’abus vivement critiqués dans un rapport accablant, la Fédération britannique prévoit de mettre en place à partir de l’an prochain un ensemble de mesures visant à préserver le «bien-être des gymnastes».
La Britannique Alice Kinsella lors des Championnats du monde de gymnastique artistique, à Anvers, vendredi 6 octobre 2023. (Dirk Waem /Belga. AFP)
publié le 30 novembre 2023 à 18h32

Une pirouette pour fuir les ennuis ou une vraie évolution salvatrice ? Près d’un an et demi après l’explosion d’un scandale retentissant, la fédération britannique de gymnastique a enfin présenté un plan pour tenter de mettre fin aux violences «systémiques» en son sein. A compter de l’année prochaine, une série de changements devraient être appliqués pour protéger les jeunes gymnastes de l’emprise délétère de certains coachs. Et les mesures seront aussi basiques et fondamentales qu’avoir désormais le droit de boire et de se rendre aux toilettes lors des entraînements, d’après un document publié mercredi 29 novembre par la British gymnastics.

De leur côté, les entraîneurs auront l’interdiction de peser les athlètes en l’absence de consentement écrit et verbal. En outre, seules les gymnastes de plus de 10 ans pourront être pesées, et «uniquement par des médecins ou des scientifiques du sport qualifiés», avec «une justification claire et scientifiquement valable».

Ces mesures ont été adoptées dans le but de «mieux protéger le bien-être des gymnastes», selon les nouvelles recommandations de la fédération. Des abus avaient été rapportés par les 400 témoignages récoltés dans le cadre d’un rapport de l’avocate Anne Whyte. Publié le 16 juin 2022, ce document de plus de 300 pages faisait état d’une quête acharnée de médailles, au détriment de la santé des athlètes. D’après l’avocate, la fédération britannique aurait laissé prospérer un climat de maltraitance entre 2008 et 2020.

Vérifications sur la nourriture

Entre restrictions alimentaires et humiliations, tous les témoignages faisaient état d’un milieu régis par de lourdes contraintes : «J’ai entendu des témoignages extrêmes de gymnastes qui cachaient de la nourriture, par exemple dans les dalles du plafond ou sous le lit de leur chambre, écrit Whyte dans son rapport. J’ai reçu des témoignages d’entraîneurs qui vérifiaient les chambres d’hôtel ‘‘à la manière de l’armée’’ et les sacs de voyage pour y trouver de la nourriture.»

Pour certaines victimes, ces longues années d’entraînement ont même généré un traumatisme. Par exemple, Claire Heafford, ancienne gymnaste ayant quitté ce sport en 1995, avait affirmé à CNN avoir subi des abus physiques et émotionnels, qui ont déclenché un syndrome de stress post-traumatique. «J’ai été formée par le premier Russe qui a été amené au Royaume-Uni dans les années 1990», avait-elle expliqué à la chaîne américaine en 2022.

«Le recrutement d’un nombre important d’entraîneurs originaires de pays précédemment influencés ou occupés par l’ex-Union soviétique a eu des conséquences culturelles négatives», a notamment pointé le rapport de Whyte. «La compétence technique et l’expérience de ces entraîneurs, bien que formidables, s’accompagnaient parfois d’une attitude autocratique à l’égard des gymnastes. Le style d’entraînement importé avait tendance […] à exiger une obéissance sans réserve […]», critiquait le texte.

Après la publication du rapport accablant de l’avocate, la fédération britannique avait présenté ses excuses : «J’ai regardé |les gymnastes] dans les yeux et je leur ai dit que j’étais désolée, avait alors affirmé Sarah Powell, directrice de la Fédération britannique. Ce n’est pas acceptable. C’est émouvant pour moi, je suis une mère et le sport n’est pas censé agir de la sorte. Mais la gymnastique sera différente grâce au courage des jeunes qui se sont exprimés.»

«Grâce, discipline et détermination»

Ces violences dans le sport sont malheureusement loin d’être une spécificité britannique. Certains gymnastes français également pâtissent de maltraitances dans ce milieu. Pas plus tard qu’en octobre, la Fédération française de gymnastique a annoncé la suspension de l’entraîneur de l’Elan Gymnique Rouennais, Eric Demay, jusqu’en septembre 2024. Celui-ci a été mis en cause pour des violences physiques et psychologiques à l’encontre d’anciennes gymnastes.

«La gymnastique est un sport de grâce, de discipline et de détermination. Ces valeurs, que nous chérissons tant, sont incompatibles avec toute forme de violence ou de maltraitance», avait alors martelé la Fédération française.