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Libération
Rétrospective

Avant les JO de Paris 2024, ces olympiades où la canicule a perturbé le déroulement des épreuves

JO Paris 2024dossier
La crainte de la canicule plane sur les Jeux, comme elle a plané sur de nombreux JO modernes. «Libé» revient sur six éditions particulièrement touchées par les vagues de chaleurs.
Le cycliste danois Knud Enemark Jensen tombe de son vélo après avoir été victime d'un coup de chaleur lors du contre-la-montre par équipe de 100 km aux Jeux olympiques de Rome, le 26 août 1960. (Central Pres/Hulton Archive.Getty Images)
publié le 30 juillet 2024 à 7h23

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Les Jeux se sont ouverts sous la pluie et vont se poursuivre sous une chaleur caniculaire. Dans les rues de la capitale olympique, le mercure va grimper aux alentours des 35 °C ce mardi 30 juillet alors que de nombreuses épreuves se déroulent en plein air. Pour les spectateurs comme les athlètes, la canicule va être l’épreuve des deux prochains jours. Une épreuve qui s’invite à de nombreuses éditions des jeux d’été depuis le siècle dernier. Dans une rétrospective, non exhaustive, Libé revient sur six olympiades qui ont souffert d’une chaleur accablante, voire mortelle.

Tokyo en 2021

Un soleil de plomb sur l’archipel nippon

Les gouttes de sueur perlent et s’évaporent presque aussitôt en tombant sur les courts du parc d’Ariake de Tokyo. Sous un soleil de plomb et une température avoisinant les 40 °C et un taux d’humidité proche des 80 %, le tennisman Daniil Medvedev titube. Du haut de sa chaise, l’arbitre s’enquiert de l’état de santé du deuxième mondial de l’époque. Le tennisman lui répond qu’il «peut finir le match» mais qu’il «peut mourir». Après un deuxième set perdu, le Russe arrache une victoire contre Fabio Fognini et se qualifie pour les quarts de finale. Mais la fournaise qu’est devenu le site olympique a eu raison d’autres athlètes et d’autres épreuves. La tenniswoman Paula Badosa s’écroule à cause de la chaleur et doit être évacuée en fauteuil roulant, serviette détrempée sur le crâne, après son malaise. Un coup de gueule de Novak Djokovic force alors alors la Fédération internationale de tennis à décaler les horaires des matchs et à installer un protocole chaleur.

Autres disciplines, même fournaise olympique. Arc à la main, la russe Svetlana Gomboeva s’évanouit pendant les qualifications. Le sable brûlant des terrains de beach-volley oblige le comité à décaler la finale de l’épreuve, tout comme la finale du tournoi de foot féminin. Si les précédents JO au Japon, en 1964, avaient été décalés au mois d’octobre pour éviter la chaleur, le CIO avait décidé de mieux préparer les JO de 2021 dès 2019 en délocalisant les épreuves du marathon et de marche sur l’île d’Hokkaido à Sapporo, dans le nord de l’archipel, où les températures devaient être légèrement plus clémentes, en vain. Depuis, le 50 km de marche rapide a disparu de la liste des épreuves olympiques.

Rio en 2016

50 km de calvaire pour Yohann Diniz

En 2016 déjà, les marcheurs rapides avaient été victimes d’une chaleur de plomb pendant les Jeux de Rio. Sous un soleil noir et une humidité étouffante – empêchant toute évacuation de la sueur – 19 athlètes abandonnent alors une course qui devait se terminait au milieu de l’après-midi, en plein pic de chaleur. Alors qu’il glisse depuis 30 kilomètres sur le bitume bouillant, presque assuré de repartir avec une médaille d’or, le Français Yohann Diniz est pris de problèmes gastriques. Au bord de l’évanouissement en raison d’intenses douleurs intestines et d’une température accablante, l’athlète s’accroche pour terminer sa course, contre l’avis de son équipe. Refusant d’abandonner malgré une chaleur qui le fait lourdement chuter sur le dernier tiers du parcours, Yohann Diniz finit tant bien que mal sa course et arrive en 8e position au terme d’une improbable performance inscrite dans l’histoire de l’olympisme.

Rome en 1960

Un contre-la-montre mortel

Le soleil cogne particulièrement fort lors de ces Jeux romains qui se tiennent du 25 août au 11 septembre 1960. L’épreuve de cross du pentathlon est si difficile que plusieurs athlètes hongrois s’évanouissent à la fin de la course, frappés par la chaleur. Les marathoniens souffrent également de déshydratation le long de leurs 42 kilomètres d’effort, mais une chute mortelle restera malheureusement dans l’histoire de ces Jeux. Le 26 août 1960, le thermomètre indique 34 ºC sur le parcours du 100 km du contre-la-montre par équipe quand l’équipe cycliste du Danemark s’élance. Le cagnard italien s’abat sur le dossard danois de Knud Enemark Jensen, 22 ans. Victime d’une insolation sur son vélo, le jeune coureur s’effondre, sa tête cogne le bitume. Crâne facturé, il est conduit à l’hôpital où il meurt suite à ses blessures.

Sa mort fut à l’origine d’une grande controverse sur le dopage dans le cyclisme. L’autopsie révéla qu’Enemark Jensen était mort après avoir pris des doses massives de d’amphétamine. En mars 1962, Leo Frederiksen, président du Comité olympique danois, soutenait encore obstinément que «la mort de Knud Enemark Jensen était due uniquement à un coup de chaleur» mais le décès du cycliste danois ouvrit la porte aux premiers tests antidopage olympiques en 1968.

Paris en 1924

Une inquiétante canicule

Même ville, mêmes inquiétudes mais un siècle d’écart. Lorsque la capitale française accueille les Jeux Olympiques de 1924, le mercure, qui pointe 33 °C, inquiète la presse et les athlètes. Le cross-country de 10 kilomètres fait couler des gouttes de sueur et s’effondrer des coureurs. Des athlètes Suédois, Français ou Américains s’écroulent, mis KO par le soleil au terme d’un «véritable calvaire» selon la presse de l’époque. Par sécurité et pour échapper aux fortes chaleurs de l’époque, le marathon fut également décalé de 16 heures à 17 heures 30. De quoi permettre de faire baisser le mercure et d’éviter tout incident lors de la course.

Stockholm en 1912

Le décès d’un marathonien déshydraté

Lorsqu’il s’élance au départ du marathon de Stockholm, sous un soleil de plomb et une température avoisinant les 30 °C, le portugais Francisco Lázaro est un marathonien d’exception. Arrivé en tête du marathon de Lisbonne en 1910, il a ses chances pour finir la course en tête. Bien qu’habitué aux chaleurs intenses, face à celle qui s’abat sur Stockholm ce 15 juillet 1912, Francisco Lázaro décide d’enduire son corps de cire pour éviter les brûlures du soleil. Il pense également qu’éviter de transpirer lui permettra d’améliorer ses performances mais en se recouvrant de cire, le coureur empêche toute régulation thermique de son corps. A la moitié du parcours, il s’effondre une première fois avant de se relever et de tituber. Au 30e kilomètre, il ne se relève plus. Transféré en urgence à l’hôpital de Seraphim, Francisco Lázaro affiche une température corporelle fatale de 41 °C. Complètement déshydraté, il meurt ce 15 juillet 1912.

Saint-Louis en 1904

Le marathon «le plus fou» qui a failli faire disparaître la discipline

La course de 42 kilomètres commence sous une chaleur étouffante et humide, sur une piste poussiéreuse empêchant la bonne respiration des athlètes olympiques. Evoluant dans les plaines du Missouri, les coureurs n’ont qu’un seul point d’eau pour se désaltérer : un puits en bord de route à mi-parcours. Sur les 32 participants qui s’élancent dans l’après-midi, seuls 14 franchiront la ligne d’arrivée, le nombre le plus bas de l’histoire olympique. Outre la pénibilité et la dangerosité de la course, de multiples cas de triches, d’empoisonnements vaudront à cette course d’être surnommée «le marathon le plus fou des Jeux». Le premier athlète qui franchit la ligne, Fred Lorz, le fait après avoir été transporté… en voiture. Le marathon de Saint-Louis est tellement controversé que l’épreuve sera presque supprimée du programme olympique des Jeux suivants. Le directeur des Jeux olympiques de 1904, James Sullivan, se justifiera en déclarant qu’une course de 42 kilomètres était «indéfendable sur n’importe quel terrain».