La Fédération française d’équitation a bien compris le contexte brûlant avec lequel elle doit composer. La création récente d’une charte du sport de haut niveau, d’un guide de bonne pratique et d’une cellule «bien-être animal» en sont des preuves tangibles. «Notre sport est mal perçu, alors on se doit d’agir et de mieux communiquer sur la relation cavalier-cheval», admet Sophie Dubourg, directrice technique nationale de la fédération, qui compte près de 700 000 licenciés.
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Ces mesures sont aussi une réponse aux militants animalistes et antispécistes dont les revendications mettent en péril les sports équestres. L’association de défense des animaux Peta a intimé au Comité international olympique de retirer «les épreuves équestres abusives» du programme des JO. Sans arriver à ses fins, elle pointait «la cruauté» survenue à Tokyo en 2021, où une cavalière allemande et son entraîneure avaient été accusées d’avoir maltraité un cheval au cours d’une épreuve de pentathlon (sous l’autorité de l’Union internationale de pentathlon moderne, et non des fédérations équestres. Autrefois peu écoutées, ces alertes sont désormais sérieusement considérées par la communauté équestre. «Les contestations risquent d’être de plus en plus marquées, prédit Hélène Roche, éthologiste (spécialiste du comportement animal). Il y a les animalistes, oui, mais l’opinion publique commence à s’emparer du débat. La filière cheval doit donner une réponse satisfaisante aux attentes de la société.»
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Le plus souvent pour la performance, les chevaux endurent blessures volontaires et médications excessives. De lourdes suspensions ont été infligées à des cavaliers. Le 12 octobre, l’Américain Andrew Kocher a été condamné à dix ans d’exclusion pour usage répété d’éperons électriques en compétition. Les douleurs provoquées par les violentes décharges forçaient l’animal à aller continuellement de l’avant. A chaque faux pas de ses représentants, le monde équestre voit son image s’écorner un peu plus : «On ne peut pas avoir le contrôle sur les actions de chacun, mais si on interdisait formellement certaines choses, on n’en arriverait pas là», reconnaît Sophie Dubourg. Or, même si les règlements évoluent, il existe de sévères disparités selon les nations. Reconnues en matière de bien-être animal, la Suède et la Suisse sont par exemple éloignées du positionnement des Etats du golfe Persique, considérés comme plus en retard : avec ces derniers, «on ne parle pas le même langage cheval», glisse la directrice technique nationale. La Fédération équestre internationale (FEI), organe en capacité de réguler, s’est emparée de la question en formulant des propositions de modifications de son règlement. Elles seront votées le 21 novembre à l’occasion de l’assemblée générale à Mexico.
Le parallèle évident avec l’interdiction des animaux sauvages dans les cirques d’ici à 2028 peut-il faire craindre un scénario similaire pour l’équitation ? La perspective d’une fin − ou d’une modification en profondeur − de l’équitation et des sports équestres est bien réelle. Si Sophie Dubourg tempère, en raison de l’évolution des pratiques, Hélène Roche estime elle qu’on est «au stade de l’alerte rouge» : «Il faut sensibiliser tous les acteurs du monde équin pour faire avancer les mentalités. Mais comment faire quand une partie des cavaliers ne voit pas l’urgence de la situation ?»