La situation souligne l’absurdité des «tests de féminité» imposés aux athlètes. L’équipe de France féminine de boxe se retrouve privée des Championnats du monde de World Boxing, qui démarrent ce jeudi 4 septembre à Liverpool. En cause : les résultats des tests génétiques exigés depuis cette année par l’organisation n’ont pas pu être transmis à temps par le laboratoire britannique chez qui ils ont été effectués a annoncé jeudi la Fédération française.
«C’est avec stupéfaction et indignation que le staff de l’équipe de France a appris, ce mercredi soir, que les boxeuses françaises ne pourraient pas participer aux premiers championnats du monde organisés par World Boxing», a écrit l’équipe de France dans un communiqué. Romane Moulai (-48 kg), Wassila Lkhadiri (-51 kg), Melissa Bounoua (-54 kg), Sthélyne Grosy (-57 kg) et Maëlys Richol (-65 kg), qui devaient initialement prendre part à la compétition et étaient arrivées sur le sol britannique. La ministre des Sports, Marie Barsacq, a dénoncé ce jeudi une décision «inadmissible», et affirmé qu’elle allait demander à la fédération internationale de «faire toute la lumière sur les raisons qui ont abouti à cet imbroglio».
«Un backlash contre les femmes»
Près d’un an après la vive polémique des JO de Paris concernant la féminité des boxeuses algérienne Imane Khelif et taïwanaise Lin Yu-ting, toutes deux absentes à Liverpool, la nouvelle fédération internationale World Boxing avait annoncé fin mai sa décision de rendre obligatoires les «tests de féminité». Les deux athlètes en question ont par ailleurs été écartées par World Boxing, contre qui Imane Khelif a intenté une action en justice.
Le dépistage chromosomique mis en place revient à écarter les athlètes transgenres, ainsi qu’une partie de celles qui ont toujours été considérées comme de sexe féminin mais présentent des chromosomes XY, soit l’une des formes de «différences de développement sexuel» ou intersexuation.
Débunkage
Ce procédé suscite de nombreuses critiques, notamment de l’Association médicale mondiale, d’organisations de droits de l’homme et de la communauté scientifique, car considéré comme peu fiable et réducteur d’un point de vue biologique. Historienne du sport et sociologue, Anaïs Bohuon revenait en juin pour Libération sur le retour de ces tests génétiques, en vigueur aux JO entre 1968 et 1996 : «Ils ont été abandonnés par le CIO parce que cela conduisait à exclure beaucoup de femmes athlètes, sans même que leur avantage physique soit prouvé. […] Jamais je n’aurais pensé que cette méthode, forcément discriminante, reviendrait en 2025. C’est une radicalisation et un backlash contre les femmes.»
Les tests étant interdits en France sauf sous certaines conditions très encadrées, la Fédération française de boxe explique n’avoir pu les réaliser qu’à son arrivée en Grande-Bretagne. L’encadrement des Bleues s’est donc orienté vers un laboratoire accrédité par World Boxing avec l’assurance, affirme la FFBoxe, que les résultats seraient disponibles dans les délais impartis. «Or, malgré les garanties réitérées par World Boxing, le laboratoire, qu’elle nous avait elle-même recommandé […] n’a pas été en mesure de nous livrer les résultats des examens dans les temps, regrette la Fédération. Avec, comme conséquence, l’exclusion de nos athlètes ainsi que d’autres boxeuses de délégations étrangères qui se sont retrouvées, elles aussi, piégées.»
«Une catastrophe sportive»
Candidate malheureuse à la présidence de la Fédération française l’an dernier, Estelle Mossely a dénoncé «une catastrophe sportive» et «une faute professionnelle de la part des personnes en charge des athlètes». «Je n’ose imaginer l’état dans lequel doivent être les filles, victimes des erreurs et lacunes de leur propre fédération», a déclaré la championne olympique 2016 sur Instagram.
L’instance tricolore s’est toutefois défendue de toute négligence. «Ce dysfonctionnement, qui porte un préjudice notoire à nos athlètes, n’est aucunement imputable à la Fédération française, écrit-elle. Au contraire, [celle-ci] s’est mobilisée dès le départ pour répondre aux exigences de World Boxing et s’est fiée aux engagements de cette dernière.»
La boxeuse Maëlys Richol a de son côté fait part de sa «frustration», de sa «colère» et de sa «déception». «Après une année entière de travail, nous nous retrouvons écartées non pas pour une question sportive, mais à cause d’une gestion désastreuse et injuste. C’est extrêmement dur à encaisser.»
Mise à jour à 12h06 avec la réaction de la ministre des Sports.