Menu
Libération
Ligne d'arrivée

64 jours et 19 heures : Charlie Dalin remporte le 10e Vendée Globe et pulvérise le record de la course

Arrivé le premier aux Sables-d’Olonne ce mardi 14 janvier vers 8 h 30, le navigateur normand remporte son premier Vendée Globe, en quasiment dix jours de moins que le précédent record établi par Armel Le Cléac’h en 2017.
Charlie Dalin sur la ligne d'arrivée du Vendée Globe, ce mardi 14 janvier. (Loic Venance/AFP)
publié le 14 janvier 2025 à 8h26
(mis à jour le 14 janvier 2025 à 9h06)

Six heures du matin ce mardi 14 janvier, à l’heure du laitier où blanchit la campagne. Pleine lune, ciel dégagé sous l’influence d’un solide anticyclone centré sur le nord de l’Europe. On se croirait aux sports d’hiver. Le froid pique et le givre ne recouvre pas uniquement les pare-brise, mais les ponts des voiliers amarrés à Port Olona. Emmitouflés, des afficionados congelés patientent sous une température polaire, en attendant leur héros, quand le «fan-club» de Charlie Dalin danse bruyamment sur le pont de la vedette à passagers au son digne d’une discothèque en plein air. Ce dernier se fait attendre. 6 heures 30. Les 400 journalistes présents aux Sables-d’Olonne (Vendée) sont priés d’embarquer.

Cette nuit, le vent a lâché le Normand, retardant d’autant son arrivée. Plusieurs bistrots le long du chenal sont restés ouverts une partie de la nuit. Après être allé virer de bord à Penmarc’h au large de la pointe de la Bretagne dans une petite brise de terre, Charlie Dalin (Macif Santé Prévoyance) s’est offert une ultime nuit de veille entre cargos, bateaux de pêche, filets et autres bouées. Son monocoque bleu semble sortir de chantier. Seule la trappe de survie obligatoire à l’arrière, en cas de chavirage, porte quelques stigmates – des algues vertes – malgré ce voyage express de 24 000 milles (quasi 44 500 kilomètres).

Il y a quatre ans, Charlie Dalin avait déjà eu «les honneurs de la ligne» après 80 jours de course, mais avait dû laisser la victoire à Yannick Bestaven pour un peu plus de 2 h 30, crédité d’un bonus d’heures pour s’être dérouté et avoir participé aux recherches du naufragé Kevin Escoffier. Cette année, son Imoca aura bouclé l’affaire en 64 jours, 19 heures, 22 minutes et 49 secondes, soit quasiment 10 jours de moins que le précédent record établi par Armel Le Cléac’h en 2016-2017 (74 jours, 3 heures, 35 minutes et 46 secondes).

L’on avait découvert son bateau estropié, le foil bâbord maintenu par des cordages genre toile d’araignée. Avec son élégance habituelle, le Normand n’avait pas contesté la victoire de son adversaire, bien au contraire… mais juré qu’il reviendrait cette fois «pour l’emporter», soulignant des mois plus tard qu’il se réveillait encore la nuit pour «trouver les minutes» qui lui avaient manqué. En tête au cap de Bonne-Espérance (Afrique du Sud) puis au cap Leeuwin (Australie), il a laissé le soin à son coriace adversaire Yoann Richomme (Paprec Arkéa) de franchir le fameux cap Horn devant… mais pour moins de dix minutes, avant de se porter à nouveau en tête.

8 heures. Le jour se lève. Grâce à la magie de la technologie, on découvre le skippeur rasé, cagoulé et ganté en ciré jaune, réglant son bateau tel un robot, télécommande de pilote autour du cou, passant de temps à autre une tête à travers le capot de pont, escorté par une nuée d’embarcations. La Nouch Sud marquant la ligne d’arrivée clignote. Le vent s’essouffle. Ultime virement de bord. Le marin a le triomphe modeste et pudique. Le ciel rougeoie comme pour célébrer le nouveau héros. Décor de cinéma. Marée basse oblige, Charlie Dalin ne peut embouquer le chenal ce matin. Rejoint par son équipe et ses proches, il va devoir patienter jusqu’à 14 heures pour craquer les fameuses fusées à main utilisées d’habitude en cas de détresse, puis amarrer son coursier sur le ponton recouvert d’un tapis rouge, prendre un premier bain de foule largement mérité sur le plancher des vaches et déguster le burger frites qu’il a commandé. Le soleil brillera et les quais seront assurément bondés.