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Libération
Mondial au Qatar

Coupe du monde 2022: tirage au sort clément pour les Bleus

Coupe du monde 2022 au Qatardossier
Au Qatar cet automne, les Tricolores affronteront en phase de poules le Danemark, la Tunisie et le Pérou ou l’Australie ou les Emirats arabes unis. Panorama des adversaires.
La réaction de Didier Deschamps quand la France est sortie du chapeau n°1. (David Ramos/Getty Images.AFP)
publié le 1er avril 2022 à 21h44

C’est la dernière Coupe du monde avant le prochain format, dans quatre ans, où la Fifa invite 48 équipes (contre 32 ce coup-ci), introduit un 16e de finale et rêve de bannir les matchs nuls (des tirs au but dès les poules). Bref : le Mondial licenciera, après 2022, les videurs à sa porte pour laisser passer un maximum de nations. Les nostalgiques pleurent la fin de l’excellence, l’Afrique se réjouit de la suppression des verrous - elle est si mal lotie avec ses 5 places. Le tirage au sort ? Un moment d’expertise, où l’on décrète des mois avant la compétition qui sont les costauds et les gringalets. Avant de s’apercevoir, le jour où les premiers matchs commencent, que la voyance en football revient à cavaler sur une route verglacée en pantoufles trouées. Bref : une gymnastique casse-gueule.

Il suffit d’un rien pour un crash répètent les acteurs, surtout quand ils se préparent en vase clos. Un quiproquo sur les fauteuils d’un hôtel, entre deux joueurs, peut contaminer tous les autres et faire exploser une machine bien huilée. Comme deux mots dans une causerie de capitaine, glissés au bon moment, avec le bon ton et la bonne gestuelle, peuvent transcender onze minus présumés. L’équipe de France s’était réjouie en 2018 de prendre l’Australie et le Pérou. Avez-vous vu les matchs ? Oui ? A quelques gouttes de talent près, les Bleus calaient sec.

Et 2002 ? La France arrivait bodybuildée, muscles copieusement tartinés, avec ses ceintures de champions du monde et d’Europe. Au match d’ouverture, elle s’est inclinée 1-0 contre le Sénégal, que l’expert bavard, le jour du tirage sort, avait jugé pittoresque, exotique et limité. Au Qatar, les Bleus seront aux prises avec le Danemark, la Tunisie et donc… les Emirats Arabes Unis, l’Australie ou le Pérou, trois sélections qui jouent encore leur peau en barrage.

Le Danemark

Le cliché. Une équipe sympa, capable de sauver des vies.

La réalité. Demi-finalistes d’un récent championnat d’Europe où ils avaient eu le bonheur de recevoir leurs trois adversaires du premier tour, le gardien Kasper Schmeichel et consorts avaient quitté la compétition avec une aura de martyr : un penalty scandaleux sifflé par l’arbitre néerlandais Danny Makkelie avait envoyé les Anglais en finale (2-1) à leurs dépens, manière de dire que l’élan de sympathie dont bénéficiaient les Nordiques depuis le grave malaise de leur meilleur élément, Christian Eriksen, contre les Finlandais lors de leur entrée dans la compétition (0-1), ne pesait plus très lourd, à ce stade, face aux froides réalités d’un Euro éclaté de partout que les Britanniques avaient pour mission de rassembler pour la photo.

Reste une équipe forte et homogène dans toutes ses lignes, assez égale d’une compétition à l’autre, s’envoyant en match avec la joyeuse bonhomie d’une sortie-biture du samedi soir et, à ce titre, difficile à manœuvrer, même si la qualité individuelle lui manque toujours in fine. Le dernier Euro n’a pas changé la vie des internationaux danois, toujours dans des clubs situés entre deux eaux (Sampdoria de Gênes en Italie pour Mikkel Damsgaard, le FC Séville en Espagne pour Thomas Delaney, l’OGC Nice pour Kasper Dolberg, le Leicester FC en Angleterre pour Jannik Vestergaard…), ce qui, au fond, joue pour eux : le strass et la gloire qu’il y a à prendre se trouvent sur les tournois internationaux, où ceux qui se sont côtoyés dans les sélections danoises de jeunes avant de courir l’Europe se retrouvent comme autour d’un feu de camp, en se racontant des histoires qui n’ont de sens que pour eux-mêmes. Hier comme au Qatar cet automne, ça fait une équipe.

La Tunisie

Le cliché. Le jeu minimaliste dans les petits jours (on gare un bus sans même finir le créneau) et le cadenas brillant dans les grands (on dégoûte et on pique sans pitié). Sauf que les petits jours s’accumulent depuis quelques mois. La Tunisie serait donc le bon tirage par excellence parce que son atout numéro 1 est Wahbi Khazri, attaquant de Saint-Etienne, en lutte pour ne pas descendre. Et parce que sa dernière Coupe d’Afrique remonte à 2004. Ça fera dix-huit ans et demi.

La réalité. La Tunisie était donnée pour morte à la dernière Coupe d’Afrique et le Nigeria brandi en favori séduisant - un calibre mondial. Que s’est-il passé quand ils se sont affrontés en huitièmes de finale ? La sélection tout de rouge et blanc vêtue a mis le gros cadenas et glissé un but en catimini. 1-0, merci, au revoir. Le gros terrassé, la Tunisie s’est fait avoir le tour suivant… par le Burkina Faso. C’est l’histoire récente de cette sélection. Le bricolage, sur du bricolage, qui crée quelques exploits et beaucoup de désillusions. Et si, d’ici le Mondial, le bricolage s’arrêtait ? Huit mois, c’est long.

Le championnat local, jadis le plus puissant d’Afrique, s’est effondré, comme l’économie du pays et la démocratie naissante. Il ne produit plus d’artistes, simplement des gars disciplinés et appliqués. Néanmoins, les jeunes binationaux (en France, au Danemark, en Angleterre) peuvent apporter un supplément de souffle, de jambes et d’inspiration. Hannibal Mejbri, 18 ans, milieu polyvalent et présenté comme une pépite à Manchester United, est l’un des jokers de la sélection. Dont le patron, Youssef Msakni, meneur de jeu capable de coups de génie (quand il a les jambes), jouera à domicile - il évolue depuis plus d’une décennie au Qatar.

La Tunisie s’est qualifiée en enfermant la manière à double tour et en bazardant la clé dans un trou sans fond : 1-0 à l’aller contre le Mali, 0-0 au retour, une frappe par-ci, une contre-attaque par là qui ne va même pas au bout. Le milieu, son point fort, a été impitoyable ; l’attaque complètement invisible. Mais l’affaire était assumée du point de vue du staff technique et de la fédération. Au regard du contexte en Tunisie (où peu de choses tiennent encore), il fallait y aller coûte que coûte. Puis, une fois cette formalité passée, il y a un peu de temps pour réfléchir à un plan.

Pérou, Australie ou Emirats arabes unis

Les Emirats arabes unis, le pire à chaud. Si la Fifa les autorise à faire jouer Manchester City, propriété émiratie, à la place de la sélection - la Fifa peut tout faire. A part ça, les EAU avaient difficilement passé le premier tour de la Coupe arabe à l’automne dernier, affichant un niveau très inquiétant - après quelques années intéressantes.

Le Pérou, le meilleur à chaud. C’est peut-être le test le plus intéressant de la poule. Des taquineurs de ballon (pas tous, mais quand même), qui ne font aucun cadeau et qui sortiraient donc des qualifications de la zone sud-américaine, d’où n’a pas su sortir la Colombie (entre autres et ce n’est pas rien). Des taquineurs de ballon (encore une fois) qui ont embêté les Bleus il y a quatre ans. Non pas pour le plaisir de regarder l’adversaire se poser mille questions, mais pour gagner. Ces matchs-là ont du bon quand une équipe comme la France vient pour chiper le trophée. Ils offrent en miniature un peu tous les casse-tête possibles, soit une préparation en or pour les grands casse-tête. Sauf si c’est l’Australie qui se qualifie – ce que nous saurons une fois achevés les matchs de barrage, au mois de juin.