On savait pourtant le titre du film avant de le découvrir, on l’avait assez lu dans les journaux la semaine qui précédait, le mot d’ordre était de piétiner toute intrigue superflue, de réduire à néant tout rebondissement dramaturgique. L’idée consistait à humilier l’adversaire de sorte que ce film de quatre-vingts minutes ressemblât à une cascade. Voire, un chapelet. Entre Action ! et Coupez !, il n’y aurait rien que du bleu, rien que des perles.
Alors je me suis assise devant la télé, guettant le regard de ceux qui étaient vaincus d’avance, la ferveur inquiète des antagonistes qui savent qu’on va supprimer leur monologue, malgré les mois d’apprentissage d’un texte éperdument physique.
Episodes précédents
J’ai filmé en 2016-2017 des perdants magnifiques, d’un panache désolé. J’ai tourné Beau Joueur (sorti au cinéma en 2019) au cœur d’une équipe de Rugby du Top 14 qui perdait presque tous ses matchs : l’Aviron Bayonnais, à peine montée au firmament, et déjà promise à une redescente imminente en Pro D2. Je n’ai filmé aucun match, je suis restée dos au terrain, accrochée aux visages sur les bancs, j’ai humé inlassablement les vestiaires, leurs silences et le parfum de l’utopie, je me suis approchée au plus près de ce qui se sent mais ne se raconte pas, ce que seul un groupe pris dans une telle tourmente peut éprouver, ce que seul un collectif éreinté peut se chuchoter à l’oreille