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Cinq coureurs pas comme les autres à suivre sur le Tour de France 2023

De Julian Alaphilippe à Tobias Halland Johannessen en passant par Biniam Girmay, Egan Bernal et Peter Sagan, «Libération» vous recommande de jeter un œil attentif sur ces sportifs pas comme les autres durant les trois semaines du Tour, qui débute samedi 1er juillet.
Julian Alaphilippe sur le Critérium du Dauphiné, le 11 juin. (Anne-Christine Poujoulat/AFP)
publié le 30 juin 2023 à 7h01

L’ancien chouchou malmené par son boss, le champion revenu d’une grave blessure, la rockstar déchue, le grand espoir africain et l’inconnu venu du froid, Libé a sélectionné cinq coureurs aux histoires singulières.

Julian Alaphilippe, «Loulou» rudoyé

En a-t-il fini avec les blessures, la malchance, les critiques acerbes de son patron ? Depuis sa chute à Liège-Bastogne-Liège en avril 2022, le fantasque coureur a enchaîné les déboires et des performances en dents de scie. A tel point que Patrick Lefévère, l’historique patron de la Soudal Quick-Step, gérant son très marketé «Wolfpack» (sa «meute») comme un berger adepte de la trique ses moutons, a multiplié les piques. Sur les thèmes : trop payé, trop souvent blessé, ne gagnant plus. Manière peu amène de lui faire comprendre qu’avec l’avènement de Remco Evenepoel et compagnie, il est temps de laisser la place. Son éviction du Tour l’année dernière, remise en lumière par le doc Netflix, reste comme un modèle de RH sadique.

Notre «Loulou national» n’a rien dit. Il a laissé ses proches distiller quelques messages, Marion Rousse en tête, sa compagne et consultante de France Télé. Puis, il a regagné. Tiens, une classique ardéchoise. Tiens, une étape du Dauphiné. Et si, à 31 ans, il en avait encore sous la pédale ? L’arrivée de la première étape, samedi 1er juillet, à Bilbao, lui convient à merveille. Julian Alaphilippe le sait. Patrick Lefévère aussi.

Biniam Girmay, trésor érythréen

A seulement 23 ans, l’Erythréen est déjà bien plus que du sport. Depuis son explosion lors des classiques flandriennes l’année dernière, et sa victoire à Gand-Wevelgem, le puncheur-sprinteur de l’équipe belge Intermarché-Circus-Wanty suscite un intérêt spectaculaire. Sa première participation au Tour est très attendue. Le peloton, mine de rien, peine à s’internationaliser au-delà de l’Occident et de son bastion colombien. Qu’un sportif noir passé par le Centre mondial du cyclisme gagne des courses d’envergure est perçu comme une révolution positive. Revenant régulièrement dans son pays montagneux, l’une des dictatures les plus pauvres du monde, il y est déjà considéré comme un trésor national, ne pouvant plus se balader dans les rues de la capitale, Asmara, sans susciter un attroupement.

Après son malencontreux accident lors du Giro d’Italie (en voulant ouvrir une bouteille de prosecco sur le podium protocolaire, le bouchon lui a sauté dans l’œil), Biniam Girmay a eu plus de mal à confirmer. Peut-être est-ce dû aussi à la pression, à la difficulté de jongler entre célébrité grandissante et corps encore en apprentissage… Lui, en tout cas, en a assez qu’on lui rappelle ses premiers exploits. A l’Equipe, il a confié : «Je ne veux plus être limité à mes origines, je suis un coureur comme un autre maintenant. Etre une curiosité ne m’intéresse pas.»

Egan Bernal, positive attitude

En des temps pré-Covid, il y a donc à peu près mille ans, le Colombien était le meilleur coureur de sa génération, promis à un palmarès spectaculaire après sa victoire sur le Tour en 2019. La découverte d’une scoliose due à une jambe plus longue que l’autre a été un premier frein. Mais rien de comparable avec le grave accident subi en janvier 2022 : lors d’un entraînement, lancé à pleine vitesse, Egan Bernal percute un bus à l’arrêt. Il souffre de plusieurs fractures, passe de longues heures sur la table d’opération. Il apparaît sur son lit d’hôpital, une minerve au cou, immobile. D’un geste de la main, il promet que tout ira bien. La photo dit le contraire. On craint une fin de carrière.

Depuis, le jeune homme de seulement 26 ans prône la positive attitude. Revenu à la compétition en septembre, il montre son sourire, sa joie et sa chance d’être là. Gagner n’a, semble-t-il, plus d’importance. Pédaler suffit. Son équipe Ineos, surnommée «l’Empire» à une époque tant elle paraissait imbattable, passe désormais pour une sympathique maison qui s’occupe avant tout du bien-être de ses salariés… Nul ne sait comment Egan Bernal va se débrouiller sur le Tour, sans doute pas lui-même. Il reste un des plus beaux talents du peloton. Une étape dans la musette, en haut d’un col, ravirait les foules.

Peter Sagan, show derrière

Si la presse française n’aura jamais assez d’encre pour dire au revoir à Thibaut Pinot ou si tous les papiers pour la 35e victoire (historique !) du sprinteur Mark Cavendish sont prêts, il est un futur retraité en fin de saison qui suscite moins d’intérêt : Peter Sagan. Dans les années 2010, le Slovaque fut pourtant une rock star comme le cyclisme en a peu connu. Ce n’était pas qu’une histoire de palmarès (trois fois champion du monde à la suite, sept maillots verts de meilleur sprinter sur le Tour, des monuments et des classiques à la pelle), c’était une aura : les cheveux longs, les langues tirées sur le podium, les lunettes de soleil, l’humour, le sens du spectacle, une grosse équipe de com pour encadrer le tout. Un showman, un vrai, faisant des roues arrière dans les cols, acclamé en bord de route par la moitié de son pays sur certaines étapes.

Puis, lui-même en a semble-t-il eu assez. Dépassé par une nouvelle génération talentueuse, il n’a pas vraiment donné l’impression de se battre, signant dans une petite équipe française, TotalEnergies. Derrière son côté affable, il a toujours été quasi impossible de comprendre qui Peter Sagan était, ce qu’il pensait ou ce qu’il ressentait. Cette année, il n’a rien gagné. Il ne fait plus les gros titres, sauf quand il est condamné à trois mois de prison avec sursis pour conduite en état d’ivresse à Monaco. Il a été contrôlé en scooter à un taux de 1,46 mg/l, à 11h35 le 12 mai. Passe le sourire, restent les mystères.

Tobias Halland Johannessen, gosse des bosses

Vous avez aimé la domination danoise l’année dernière ? Vous allez adorer l’arrivée des Norvégiens. Pour la première fois, la formation Uno-X, créée en 2017 pour améliorer le niveau de ces coureurs venus du froid, participe au Tour. N’étant composée, par volonté de défendre les «racines scandinaves», que de Danois et de Norvégiens, la nouvelle venue donne à l’épreuve organisée par ASO un accent de plus en plus nordique, fleurant bon la social-démocratie à la sauce start-up nation : «high five, sourires, culture d’équipe et liens familiaux», comme elle se présente.

Uno-X a pour fer de lance ce grognard d’Alexander Kristoff et, en pépite, Tobias Halland Johannessen. Le jeune de 23 ans est un bon espoir pour l’équipe de briller dans les étapes en bosses et de bien figurer au classement général. Vainqueur du Tour de l’Avenir en 2021, la course espoir la plus prestigieuse, il a depuis fait ses preuves dans plusieurs épreuves d’une semaine. Venu du VTT et du cyclocross, il appartient à cette jeune génération habile sur son vélo et peu soucieuse des hiérarchies établies. Il court le plus souvent avec son jumeau, Anders, mais ce dernier n’a pas été sélectionné. Coup de bol pour les présentateurs télé, qui éviteront ainsi de se mélanger les pinceaux.