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Libération
La vie en rose

Cyclisme: l’Australien Jai Hindley remporte le Giro comme un boomerang

Après avoir perdu le maillot rose au dernier jour de course il y a deux ans, le coureur de 26 ans a effectué un retour gagnant en Italie pour triompher ce dimanche à Vérone. Et ainsi remporter le premier grand tour de sa carrière.
Jai Hindley, samedi, après s'être paré de rose au sommet du Passo Fedaia. (Massimo Paolone/AP)
publié le 29 mai 2022 à 17h12

Lorsqu’il s’est présenté tout de rose vêtu dans les rues de Milan, il y a deux ans, Jai Hindley ne semblait lui-même ne pas y croire. Après tout, l’Australien n’était pas le leader de son équipe, la Sunweb, laquelle n’était d’ailleurs pas non plus la mieux armée pour la gagne finale. Mais au terme de trois semaines d’une course chaotique, qui dévora un à un la plupart de ses favoris – qui sur chute, qui malade du Covid – il était encore là. Et avait récupéré le paletot rose l’avant-dernier jour de course, chipé à… son leader Wilco Kelderman, victime d’une défaillance. Ce n’était pas prévu mais c’était ainsi : Hindley était en tête du Giro et tout le monde pensait à un coup de chance. Le miracle n’avait d’ailleurs duré que quelques heures puisque l’Australien, médiocre dans l’exercice final du contre-la-montre, avait cédé son titre le dernier jour au Britannique Tao Geoghegan Hart.

Lorsqu’il se présente tout de rose vêtu dans les rues de Vérone, ce dimanche après-midi, Jai Hindley n’étonne plus personne. L’Australien vient de remporter le Giro, le premier grand tour de sa carrière, et ça ne doit rien au hasard. D’abord parce que le cycliste de 26 ans s’est pointé avec le statut de coleader au sein de son l’équipe Bora-Hansgrohe. Ensuite parce qu’il était indéniablement le coureur le plus fort de ce Tour d’Italie, développant une puissance parfois phénoménale. Dans le coup dès la montée de l’Etna, première vraie difficulté du périple, Hindley a surtout éclaboussé la montée vers le sommet du Blockhaus lors de la 9e étape. Quand certains perdaient déjà le Giro dans cette rude ascension des Abruzzes, l’Australien s’arrogeait la victoire au sein d’un groupe réduit de cadors. Il était à la table des grands et n’avait aucunement l’intention de la quitter.

Coup de poudre dans le Passo Fedaia

Quand Richard Carapaz, champion olympique en titre et favori de l’épreuve, prit le maillot rose à Turin, Hindley était encore là, devançant même l’Equatorien sur la ligne. Puis en troisième semaine, lorsqu’il fallut affronter une succession de cols, il colla à Carapaz, toujours tapi à quelques secondes au classement général. Pendant ce temps-là, d’autres prétendants lâchaient la rampe : l’Espagnol Landa concédait de précieuses secondes, tandis que le Portugais Almeida et le Français Bardet, malades, abandonnaient. L’Auvergnat semblait pourtant très à l’aise et on aurait aimé qu’il se mêle à la grande explication jusqu’au bout. On l’imaginait au moins sur le podium du Giro, peut-être mieux. Regrets éternels.

La course finit par tourner au duel entre Hindley et Carapaz et c’est au cours de l’étape-reine de samedi que les revolvers furent tirés de leur holster de manière décisive. Coup de poudre dans le Passo Fedaia : l’Equatorien place une attaque dans l’ascension finale, mais l’Australien le contre immédiatement. Sur la route, il retrouve son coéquipier Kämna, échappé plus tôt dans la journée. L’Allemand trouve les ressources pour tracter l’Australien, de quoi décramponner Carapaz et permettre à Hindley de s’envoler. Une image symbolique de la performance collective que représente la victoire d’Hindley : si le natif de Perth peut sabrer le prosecco ce dimanche, il le doit aussi à son équipe. La Bora-Hansgrohe a aligné un effectif redoutable sur les routes italiennes, où chacun semblait prêt à se mettre au service de l’autre. Dans sa conquête du maillot rose, Hindley a ainsi pu compter sur un Kelderman qui a vu ses prétentions au classement général exploser là où celles d’Hindley se sont précisées : sur les pentes du Blockhaus.

Roméo et Juliette

Ainsi Hindley récupère-t-il le maillot rose à l’avant-dernier jour de course, comme il le fit il y a deux ans, mais pour un dénouement différent. Entre les deux bornes de cette histoire, il y a eu un long moment de flottement. Une saison 2021 où chutes et maladie empêchèrent l’Australien d’aller au bout de la majorité des courses auxquelles il participe. A commencer par le Tour d’Italie, quitté dans un presqu’anonymat au soir de la 13e étape. On pense alors qu’il n’aura été qu’une étoile filante. «Autour de moi, sur les réseaux sociaux, j’entendais dire que 2020 avait été un coup de bol et c’était très frustrant car je m’étais entraîné tellement dur, raconte-t-il à l’Equipe. Mais j’ai parlé avec mes proches, tous me disaient que je reviendrai cette année à mon niveau. J’y ai cru, je suis là et je suis heureux.» C’est après une arrivée à Vérone qu’Hindley avait dû abandonner le Giro l’an dernier, c’est dans cette même ville – celle de Roméo et Juliette – que le voilà sacré. Le rose comme un boomerang lui est revenu des jours passés.