A 22 ans, on peut déjà avoir beaucoup vécu. Prenez Remco Evenepoel. Ce dimanche, à Madrid, le coureur de la formation Quick-Step Alpha Vinyl a remporté la Vuelta, le premier grand tour de sa carrière, devançant les Espagnols Enric Mas et Juan Ayuso. En terminant sa campagne de trois semaines avec le maillot rouge sur le dos, le jeune homme met surtout fin à quarante-quatre ans de disette nationale sur les grandes boucles (Italie, France et Espagne), depuis le lointain sacre de Johan De Muynck sur le Giro 1978. Dans un pays où le vélo tient lieu de religion d’Etat, voilà de quoi vous propulser sur le trône sportif du royaume.
Il y a deux étés, pourtant, bien loin des ors du sacre, on avait laissé le Belge gisant au fond d’un ravin italien. Le 15 août 2020, aligné sur son premier Tour de Lombardie, Evenepoel avait été piégé par la trajectoire étroite et sinueuse de la descente de Sormano, et n’avait pu éviter une impressionnante chute par-dessus le parapet d’un pont de pierre. Dix mètres plus bas, il restera prostré en position fœtale pendant de longues minutes d’angoisse, avant d’être remonté sur une civière, droit comme un piquet et pâle comme un linge. Remco Evenepoel était toujours vivant, mais, à 20 ans, sa carrière aurait déjà pu être terminée.
Une scène biblique. Sur son lit d’hôpital, alors qu’il soigne bassin fracturé et poumon contusionné, son père formule une prophétie : «J’ai chuté, je me suis relevé et je suis reparti travailler. Tu y arriveras toi aussi.» Ap