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Prouesse

Echappée du régime des talibans, la cycliste Fariba Hashimi réalise l’exploit au mont Lozère

La coureuse a remporté l’étape reine du Tour de l’Ardèche, samedi 7 septembre, faisant d’elle la première Afghane à s’imposer au haut niveau. Un symbole pour celle qui a quitté son pays avec sa sœur, il y a trois ans, pour échapper au retour des fondamentalistes.
Fariba Hashimi, à l'arrivée au sommet du mont Lozère, samedi. (Florian Frison/DPPI. AFP)
publié le 8 septembre 2024 à 13h01

Il s’est passé quelque chose d’important en Lozère, samedi 7 septembre. Aucune image n’a été diffusée, peu de gens l’ont vu, mais ceux qui y étaient s’en souviendront longtemps. Lors de l’étape reine du Tour cycliste féminin international de l’Ardèche, entre la Canourgue et le Mont Lozère, le point culminant des Cévennes, là où règnent la pelouse subalpine et les tourbières aux multiples teintes de rouge, Fariba Hashimi, une jeune Afghane 21 ans, a remporté la victoire. Même si les plus célèbres coureuses du monde sont actuellement en Romandie, elle a devancé des adversaires de qualité, comme Thalita de Jong, récente 10e du Tour de France ou les Françaises Léa Curinier et Marion Bunel (qui vient de gagner le Tour de l’Avenir). Dans un cyclisme féminin progressant à très grande vitesse, c’est la première fois de l’histoire qu’une Afghane gagne une étape d’une course inscrite au calendrier professionnel de l’Union cycliste internationale (UCI).

La victoire de Fariba Hashimi est un symbole évident, au moment où les droits des femmes dans son pays sont toujours plus réprimés. Avec sa sœur Yulduz, son aînée de trois ans, la cycliste a fui l’Afghanistan en 2021 lors du retour au pouvoir des talibans. Depuis, les deux coureuses s’entraînent à Aigle, en Suisse, au centre mondial du cyclisme, institution fondée par l’UCI pour faire émerger des sportifs de régions défavorisées à travers les continents. Début août, elles ont pu participer aux Jeux olympiques. Les deux sœurs se sont même glissées dans la première échappée de la course en ligne et ont ouvert la route pendant des dizaines de bornes vers Paris.

«Elles ont le courage d’aller à l’encontre du pouvoir taliban»

Pour l’italienne Alessandra Cappellotto, ancienne championne du monde, qui les avait repérées lors d’une course à Kaboul et les a aidées à quitter le pays, «les voir brandir leur drapeau lors de la cérémonie d’ouverture a envoyé un grand message, plus fort que n’importe quel chef d’Etat aurait pu envoyer. Fariba et Yulduz sont conscientes du risque qu’elles encourent, elles ont le courage d’aller à l’encontre du pouvoir taliban. Leur famille vit toujours en Afghanistan et a été contrainte de déménager quatre fois au cours de l’année dernière. Leur plus jeune frère a été blessé à la tête avec un couteau. On lui a dit : “C’est pour vos sœurs aux Jeux olympiques.”»

Fariba Hashimi s’améliore sans cesse, se montrant souvent à l’attaque. Samedi, rapporte le Midi Libre, elle s’est échappée une première fois, avant d’être rattrapée puis de repartir. Sur le podium, elle a reçu le maillot rouge de la coureuse la plus combative. Mais elle l’a ouvert pour montrer fièrement, en dessous, le maillot de son équipe du centre mondial du cyclisme, applaudie par sa sœur et coéquipière.

En mai, au site Direct vélo, Fariba Hashimi expliquait : «J’ai envie de dire au monde entier d’aider les femmes afghanes. Monter sur un vélo à l’extérieur, travailler, leur est interdit. Nous voulons montrer que les femmes peuvent tout faire, du vélo et aller de l’avant.» Sur son compte Instagram, elle témoigne avec fierté de sa nouvelle vie, de ses compétitions ou de sa joie d’avoir porté le drapeau aux JO. Elle met aussi des photos de sa dernière course en Afghanistan, avant de devoir s’enfuir. On la voit, avec d’autres femmes, soutenue par les spectateurs. Elle dit qu’elle n’oubliera jamais. Un jour, elle reviendra.