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Libération
Sur les routes du Tour (8/21)

Tour de France, étape 8 : Tadej Pogacar sur un nuage, les autres sous l’eau

Tour de France 2021dossier
Dans la première étape de haute montagne de l’édition 2021, le jeune Slovène a assommé la concurrence, creusant un écart dément avec ses principaux rivaux. Dylan Teuns remporte l’étape. Et aussi la décla, la stat, le dico du vélo, le quiz...
Tadej Pogacar, samedi. (THOMAS SAMSON/AFP)
publié le 3 juillet 2021 à 17h22
(mis à jour le 3 juillet 2021 à 19h58)

Michael Woods a six minutes d’avance dans le col de Romme, à 30 km de l’arrivée. Six minutes. Tadej Pogacar attaque, laisse tout le monde sur place sauf Richard Carapaz. Une deuxième accélération et au revoir. Trois kilomètres plus loin, le Slovène bat le record de l’ascension du col et passe avec plus d’une minute d’avance sur les autres favoris. Pogacar souverain de Romme, les autres restent baba.

Le Slovène va plus vite en descente, il monte plus vite la Colombière, tout ça en utilisant le grand plateau, réservé aux reliefs les plus faibles. Il rattrape un par un les échappés, les avale – Simon Yates est un vainqueur de grand Tour, on dirait un cadet. L’ampleur de la différence avec les autres, le numéro 1 dans le dos, les images rappellent les années Armstrong. L’Américain attendait le dernier col pour attaquer.

«J’ai mes faiblesses»

Tadej Pogacar est le vainqueur sortant du Tour de France, il a gagné cette année trois courses à étapes, la doyenne des classiques, Liège-Bastogne-Liège, il s’est imposé mercredi sur un contre-la-montre presque tout plat, il passe la ligne aujourd’hui en haute montagne avec plus de trois minutes d’avance sur les autres favoris. Tout cela sous une pluie battante (il dit adorer ces conditions) et au lendemain de 250 km de moyenne montagne courus à 45 km/h. «J’ai aussi mes faiblesses», promet le nouveau maillot jaune du Tour à l’arrivée. On regarde ses courses professionnelles depuis trois ans, on est heureux de l’apprendre.

Une seule formation semble rivaliser avec le leader de l’équipe des Emirats arabes unis : Bahrain Victorious. Après Matej Mohoric au Creusot, Dylan Teuns s’impose au Grand-Bornand. Wout Poels endosse le maillot à pois. Mais son leader, Jack Haig, a abandonné sur chute. Au Dauphiné il y a un mois, l’équipe de Bahreïn avait tout éclaboussé, avec son sprinteur Sonny Colbrelli et son grimpeur ukrainien Mark Padun, qui, échappé, montait plus vite que les équipes de favoris. Padun non sélectionné sur le Tour, d’autres prennent le relais.

Emirats arabes unis-Bahreïn, un point commun : ce sont des équipes d’Etats. La mode vient du Kazakhstan avec Astana en 2007. Israël et ces deux pays du Golfe ont suivi le mouvement. Ce samedi soir, les quatre premiers de l’étape sont membres d’une de ces équipes. Illustration qu’il y a une vraie bataille sportive pour faire rayonner son pays, les Etats ne se contentant pas d’une simple présence pour une publicité en mondovision, déjà précieuse.

Comme vendredi à Vierzon, l’étape est partie à fond les bidons. Objectif pour les sprinteurs : passer en tête au kilomètre 45 à Frangy et prendre des points pour le classement du maillot vert. Cavendish lâché dans la première montée, Colbrelli et Matthews se rapprochent ce samedi soir du Britannique. Une échappée de 20 anime la journée, Michael Woods s’en extrait dans le col de Romme, détient plus d’une minute d’avance au sommet, on pense alors qu’il a course gagnée. La suite, vous la connaissez.

On se demandait lundi, après trois jours de chutes, combien de coureurs arriveraient à Paris. Après une semaine d’une intensité de course hors norme, la question demeure. Ce samedi, la moitié des coureurs passe la ligne d’arrivée à plus d’une demi-heure de la tête, frôlant le hors-délai. Parmi eux, les anciens favoris Primoz Roglic et Geraint Thomas.

«Comme une chèvre sur les cailloux de Galice»

D’habitude, la première étape de montagne, la plus forte équipe (Sky devenue Ineos ou Jumbo) contrôle la course, personne n’attaque, et il faut attendre les derniers hectomètres de la dernière difficulté pour voir un ersatz de banderille. Mais ces deux formations, affaiblies après les chutes, ne peuvent assumer la course. De toute façon, le Tour 2021 a décidé de n’en faire qu’à sa tête.

Animateurs de la première semaine, Mathieu van der Poel et Julian Alaphilippe arrivent avec environ vingt minutes de retard. Wout van Aert résiste, 21e de l’étape à cinq minutes, il conserve la deuxième place au classement général. Pogacar maillot jaune, Van Aert à deux minutes, les autres à plus de 4′30, on dirait des écarts de troisième semaine alors qu’on est toujours pas arrivé à la première journée de repos (lundi).

Qui pense encore sérieusement à prendre le maillot jaune avant les Champs-Elysées ? On voit mal Pogacar perdre ce Tour, sauf s’il est marabouté ou accidenté. Dans le Journal du dimanche daté du 11 juillet 1971, René Barjavel écrit : «Ocana est à l’aise comme une chèvre sur les cailloux de Galice. Mais qu’il pleuve dans les Pyrénées, et la chenille pourrait bien faire un tête-à-queue.» Le lendemain, alors que l’Espagnol a sept minutes d’avance sur Merckx au classement général, il chute, sous la pluie, dans le col de Menté. Une plume, un virage et Barjavel fit un ravage.


Chose vue

En attendant (Dorian) Godon, le coureur d’AG2R Citroën…

La décla

Mon maillot jaune en 1984 ? Un très mauvais souvenir. Ce jour-là, je termine troisième de l’étape. Ils font leurs calculs, ils trouvent qu’un autre coureur est mieux classé, il reçoit le maillot à ma place. Je ne suis jamais monté sur le podium, j’étais dégoûté.

—  Adrie Van der Poel, père de Mathieu, que «Libé» a croisé. Il a porté une journée, il y a trente-sept ans, la tunique perdue ce samedi par son fils.

La question du jour

Dimanche, les coureurs enfourchent leur destrier à Cluses. Connue comme «la vallée la plus polluée de France», la vallée de l’Arve connaît plus de pics de pollution que l’Ile-de-France. Mais qu’est-ce qui est responsable de la piètre qualité de l’air dans ce territoire enclavé dans les monts rocheux ?

♦Un trafic routier saturé par les poids lourds notamment

♦Un phénomène météorologique et topographique empêchant la circulation de l’air lorsque la température monte

♦Une industrie dense rejetant des métaux lourds

♦Un secteur touristique qui croît avec l’activité des stations de ski

Réponse de la question d’hier : col des Aravis, 41 fois.

Le profil de l’étape de demain


Le dico du vélo

Le gruppetto

Dans nos dictionnaires, le gruppetto est un ornement composé de petites notes brodant autour d’une note principale. Dans le dico du vélo, ce ne sont pas trois ou quatre notes mais au moins trente à quarante coureurs. Un groupe qui, dans les étapes montagneuses, grimpe à un rythme que tout le monde peut suivre. Les coureurs roulent à fond sur le plat et dans les descentes pour contenir l’écart avec les meilleurs et arriver dans les délais pour ne pas être exclus de la course. On doit le nom gruppetto à un Italien, Eros Poli, coureur dans les années 1990, habitué de ce groupe qu’on appelait jusqu’alors l’autobus, et dont il fixait le tempo adagio ou moderato selon l’écart avec la tête.